vendredi 8 juillet 2011

J'aurai toujours les yeux plein d'eau, mais j'les aurai toujours ouverts.


Pour le mot de la fin, j'ai laissé passer les jours, les heures qui parfois, s'allongeaient, vicieuses. Un dernier billet, pour cloturer un an de confidences, ça se pense, ça se mûrit, progressivement. Il s'agit de bien écrire, de bien conclure. Et surtout, d'en avoir envie.

Je réapprends à vivre en France. Oui, c'est un réapprentissage. Je n'ai pourtant pas changé de culture, c'est toujours un peu la même chose. Je connais très bien mon pays, il y a des attaches, des lieux qui ont du sens pour moi, des visages qu'il est bon de retrouver. Mes parents, mes amis, ces âmes qui nous manquaient un peu, au fond de nous.

Mais vite arrive le dégout, la lassitude, l'ennui. J'ai peut-être trop attendu de tous et de tout, et rapidement, je veux être seul. Que répondre, quand chacun me demande "Alors, c'était comment?". Que dire, quand on insiste pour savoir ce qui m'a marqué là-bas. Là-bas. C'est déjà loin. Trois semaines.

Il y a deux types de personnes: ceux qui n'ont pas changé, les mêmes. Leurs problèmes n'ont pas évolué. Ma mère, mes grands-parents. Mais le plus rageant, ce sont ces amis, qui restent identiques, dans un manque d'ambition flagrant, qui se bornent au plus simple, sans voir d'autres limites que celles de Lyon. Communs, sans aucun fond marquant. J'ai honte de les mépriser. Je les aimais, pourtant. Et je vais réapprendre à les aimer.

Et puis, il y a ceux qui partent. Attirés, comme moi, par le néant de l'inconnu, vers des terres que je connais, ou pas. Ceux qui risquent un bagage, un pied-à-terre, et se hasardent dans un pays étranger, à la langue et aux coutumes très différentes. Ils volent déjà. Ceux-là, je les jalouse, mais je suis surtout heureux. Je connais leurs angoisses, leurs attentes, et je peux dès maintenant appréhender, avant eux, leur retour, aussi difficile que le mien.

Parfois, j'ai des nouvelles de l'autre côté. La vie continue, pour eux. Il manque peut-être quelqu'un, dans leur vie, mais ce n'est qu'une petite partie d'eux-mêmes. Alors, les jours s'avancent, ils vivent ce qu'ils devaient vivre. Si j'avais été là, ç'aurait été peut-être la même chose.

Et moi, dans tout ça? J'ai changé. Je ne suis plus le même. On voudrait me considérer comme un enfant, comme celui d'il y a un an. Sottises. On voudrait me garder, pour les années à venir. Mais dans ma tête, je ne suis pas encore là. Je flotte, un peu quelque part, entre Québec et Lyon, douloureux et plein d'envies. La première: revenir. Rentrer à la maison, là-bas.

Pourquoi être parti au Québec? Je n'ai toujours pas trouvé de réponse précise et unique. Mais d'autres réponses, à d'autres questions. Il y a des espoirs, des lignes de fuite, des plans qui se dressent, et l'horizon, toujours incertain, adopte malgré tout une certaine couleur. Ma vie en bleu et blanc, le coeur à l'ouest, un accent à couper au couteau dans les oreilles, je continue ma route.

Lyon, le 8 juillet 2011