mardi 31 mai 2011

Dans l'Orient désert, quel devint mon ennui!


Christopher, notre Couchsurfer de Seattle, nous invite dès le premier soir à une expédition de trois jours: le weekend du Memorial Day comptant trois jours, sa gang d'amis et lui partent dans l'Est du Washington, après les chaines de montagnes enneigées et pluvieuses. Près du Montana, là où le sol est aride et où TRES peu de gens vivent. Nous acceptons, en ayant l'idée de faire quelque chose hors du commun, et surtout, pas prévu dans notre planning. Le Mt Rainier attendra; pour l'instant, nous préparons duvets, tente et sac à dos pour trois jours dans le désert.


Nous rejoignons tous les amis de Christopher à Ellensburg, petite ville ensoleillée près des autoroutes pour le centre des Etats. Il y a Tyler et Lea, petit couple avec qui nous sympathisons d'emblée, et ce malgré la barrière de la langue (Anais a en effet beaucoup de mal avec l'anglais); Jay, originaire de la Nouvelle-Orléans, lunatique mais très sympa; Nany et son chum Punit, et Jason. Trois voitures, qui se dirige vers The Ancient Lake, dans les anciennes gorges de la Columbia River. Nous voyons justement la Columbia, que dis-je, nous la traversons, et nous arrêtons pour voir les falaises abruptes, et le désert de plantes sèches qui s'étend, jusqu'au parc des éoliennes, solitaires dans ce paysage tout droit sorti d'un jeu vidéo.

La première journée de marche est éreintante, décevante, car nous devons faire demi-tour pour retrouver les voitures et prendre la VRAIE route du campement, au milieu des falaises, mais malgré tout, chacun est heureux de cette journée. Et malgré les moustiques qui, peu à peu, dessinent une carte du relief américain sur nos pauvres peaux (les salauds!), nous voyons sous nos yeux un désert, au sens propre comme au figuré. Nous sommes les seuls, à arpenter ce sol rouge ou marron clair, que traverse un petit cours d'eau, et qui débouche sur un lac grandiose. Nous trainons une glacière avec nous, ce qui vaut quelques paniques et fous rires, quand il faut descendre les falaises. Mais nous nous installons malgré tout près de ce Ancient Lake, ravis du paysage et de la beauté silencieuse du lieu.


Le lendemain, Tyler et Jay restent au campement, profitent de la solitude du lieu et des sentiers cachés de l'endroit. Nous marchons 45 minutes pour retrouver la voiture. Nous ne ferons que ça: conduire, trouver quelques lieux de randonnées, les faire à moitié, puis remonter. Des plans qui tombent à l'eau, mais qu'importe! l'ambiance est excellente. Dans la voiture, nous sommes trois Français, s'en donnant à coeur joie pour parler de tout ce que nous découvrons. Nous trouvons, au hasard d'un mirage, d'une falaise déchue, une ferme, une vigne, un signe de vie dans l'immensité d'une plaine américaine à l'abandon, jamais découverte, et qu'on ne répertorie sur une carte que par un nom insignifiant.
Le troisième jour, après une veillée arrosée de rhum, de vin et parfumée d'herbe à la pipe autour d'un feu de camp, nous faisons nos sacs, au milieu des serpents et des falaises, insouciantes et majestueuses. Le temps de s'arrêter à Ellensburg, manger ensemble une dernière fois, et de quitter ces personnes, qu'on a vraiment aimées. On s'échange des adresses, mais dans le fond, ce n'est qu'un lien qui s'éffilochera avec le temps. Seul le souvenir de ces visages, éclairés par les flammes du feu de camp. Tyler et son bacon, Léa si gentille, et Jay, et tous. Et surtout, ces gorges de la Columbia River, qui n'ont rien à envier au Grand Canyon.

vendredi 27 mai 2011

Hello Seattle, I am an albatross on the docks and your boats.

Suite du périple, cette fois, de l'autre côté de la frontière. De Vancouver à Seattle, quatre heures de bus, et la pluie, interminable. Nous réussissons malgré tout à apercevoir le Mont Baker, premier volcan d'une longue série d'autres montagnes, formant la chaîne des Cascades.

C'est Christopher qui nous reçoit chez lui. Rencontré via Couchsurfing, il est Québécois, une occasion donc, de renouer avec "le pays". Lui et son coloc', Henri-Bastien, sont ingénieurs informatiques chez Microsoft, et leur accueil est à la hauteur de la jovialité québécoise: simple, et très bavarde. Christopher nous donne de nombreuses idées pour notre voyage en voiture, et nous invite à aller trois jours avec lui et sa bande d'amis dans le désert, de l'autre côté des Cascades.

Seattle, c'est avant tout la ville de Starbuck's, Grey's anatomy, et Boeing. Bon, le Seattle Grace Hospital n'existe pas, Boeing est délocalisé à Chicago, restent donc les centaines de Starbuck's, qui se suivent dans les longues rues. Anais joue au jeu des différences: plus sale, plus cosmopolite, moins aéré que Vancouver. En général, les villes américaines sont différentes des villes canadiennes. Néanmoins, c'est une jolie ville animée, que Seattle. Nous marchons beaucoup, le Pike Place Market, le front de mer, la Space Needle (un coton tige sur lequel se serait posée une soucoupe volante) et la colline, qui permet d'admirer la ville, et au loin, le Mt Rainier, le plus haut volcan de la chaîne de montagne (il est prévu que nous allions y faire un tour prochainement).

Alors, la journée, nous marchons. Le soir, nous buvons, sur Capitol Hill, et nos hôtes nous font découvrir des endroits géniaux pour prendre un verre. Cela fait aujourd'hui une semaine que nous sommes dans l'ouest. Anais se fait au manque de la France, de son copain. Moi, je n'y pense pas, et chante sans cesse Owl City. En buvant le café, en regardant la vue devant nous, les montagnes, et derrière nous, encore l'océan, je ne ressens rien qu'un sentiment du "loin loin loin", ce qui rend encore plus excitant ce voyage.

Au passage, mon anglais est bon; Anais, elle, quand elle parle, fait un attentat à la langue de Shakespeare. Cela nous fait beaucoup rire, évidemment!

Le rêve continue. Prochaine étape: ce fameux désert, puis la voiture, Mt Rainier, Mt St Helens, et Portland. Tadaaaam!

lundi 23 mai 2011

Si vous n'aimez pas la mer, si vous n'aimez pas la montagne, si vous n'aimez pas la ville... allez vous faire foutre !

Un premier post, alors qu'il est bientôt 21 heures à Vancouver. Cela fait quatre jours bientôt que nous sommes ici, à neuf heures de décalage de la France, d'où la fatigue d'Anais, qui dort présentement; seulement trois heures de Québec, alors moi, je m'y suis fait vite, au rythme de la ville de l'ouest.

Tout n'est que verdure et vitres, dans cette cité où les tours de verres cherchent à égaler les montagnes, à côté. Pas mal de grattes-ciel lumineux, modernes, voire futuristes, et au pied, de nombreux jardins et espaces verts. En me baladant, je ne peux pas m'empêcher de repenser à cette discussion sur Vancouver, entre Francis et moi:

-Combien de jours faudrait-il rester, selon toi, à Vancouver?
-Une vie entière. Mes deux mois là-bas, j'ai capoté.
-OK!

Et Francis avait, encore une fois, raison.

Il y a le Pacifique, que nous avons effleuré hier, sur la plage de Kitsilano. Il y a la ville, ses grands trottoirs et ses immeubles résidentiels et commercials. Il y a de l'altitude, pas si loin que ça, et la Grouse Mountain, que nous avons vue aujourd'hui. Du relief, de la hauteur, de l'aérien, dans une ville qui respire la forêt de sapins et l'air marin, en même temps que les nombreux cafés et les nouilles chinoises de Chinatown.

Hier, alors qu'Anais dormait (jetlag, quand tu nous tiens!), je m’assois face aux montagnes, et au soleil, qui se couche et illumine les tours. Il a plu toute la journée, mais ce soleil, qui se réveille au même moment qu'il disparaît à l'horizon, réveille la chaleur qu'on pensait oubliée, au creux de nous. Quelques cartes postales plus tard, et alors que Coeur de Pirate chante à mon oreille (oui, je me mets à l'aimer, celle-là....), je me dis que ça y est: j'y suis, le rêve commence. Cette même sensation qui m'avait rempli, il y a neuf mois, lors de mon arrivée au Canada. Oui, je ne dis pas toujours Québec, j'ai appris à laisser tomber les illusions souverainistes, pour embellir ce beau pays multiculturel et uni à la fois.Neuf mois plus tard, le temps d'une renaissance pour ma part, alors que je revendique habiter la ville de Québec plutôt que Lyon, me voici là, de l'autre côté du continent, dans une ville qui porte les plus beaux espoirs, pour ce voyage décisif de ma vie.

Rien ne sera pareil, à mon retour en France. Et Vancouver semble présager de beaux souvenirs en devenir, qui me guideront pas à pas lors de mon réapprentissage de la vie française.

jeudi 19 mai 2011

Il n'y a d'homme plus complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie.

Ce sont ces mots de Lamartine, qui me trottent depuis ce matin, alors que j'achève les derniers préparatifs. Je quitte dans une heure ma maison de Québec, et ma chambre est vide, sauf le lit, où s'étalent valises éventrées et sacs à demi-remplis.

Je pars, pour un mois d'itinérance. Plus de maison, plus d'adresse, mes lettres trouveront bien quelque part, où arriver. C'est inquiétant, de partir pour un mois. Et en même temps, je suis fébrile.

Le voyage de ma vie, il est là. J'ai rêvé, tant d'années, pour faire ça. Et même si c'est un premier départ de Québec, et que ça me fait mal de quitter des amis, j'essaye de ne pas gâcher le plaisir, et songe aux milles choses que je vais faire. Gaëlle m'a très bien rappelé que ce périple, j'en parlais depuis des années. Il m'appartient, il est à moi, à ma portée à présent: je n'ai pas le droit d'en ternir le souvenir, en aucune raison.

Vancouver, Seattle. La chaine des Cascades, Portland, la côte Pacifique. Mais surtout huit jours à San Francisco, terminus de ce voyage de vingt-cinq jours. J'ai plein de projets, de visites à faire. Anais me retrouve demain, à l'aéroport de Vancouver, et ce sera parti pour une expérience incroyable.

Ce voyage constitue le dernier rempart avant le retour, que je n'anticiperai qu'après le 15 juin. Il le faut.

Allons nous gaver de belles choses!

L'accumulation des connaissances n'est pas la connaissance.

Petite photo du colloque, avec l'équipe. Je n'en ai pas beaucoup parlé, le temps me manque cruellement. Alors je mets la photo, pour rappeler que j'ai été une semaine à Sherbrooke, conférencier et tout le bla bla... Et c'était chouette.


Les actes du colloque seront publiés sur Internet prochainement. Et on parle déjà d'un autre colloque, plus important cette fois, à Paris, pour l'an prochain. Le réseau s'intensifie, et je fais à présent partie d'un petit groupe de chercheurs sur la question des médias. Stimulant!

dimanche 15 mai 2011

A la campagne, y a toujours un truc à faire.

Samedi matin, tôt, très tôt, Francis m'embarque dans sa voiture, pour se rendre chez ses parents. Mon ami a, en effet, décidé de me montrer son coin de pays, pendant deux jours; découvrir un aspect du Québec, et une région particulière: la Beauce. Cet endroit, on m'en parle depuis le début de mon voyage. Souvent, on parle de la Beauce comme d'un endroit reculé, très rural et agricole, avec rien à voir, si ce n'est des paysans parlant un pâtois très éloigné du français québécois. On dit même que beaucoup de québécois ne comprennent pas les Beaucerons.

J'arrive donc avec un trop plein d'appréhensions et de clichés en tête. La Beauce est sous la pluie, en ce samedi matin. Francis quitte l'autoroute rapidement pour me faire voir plusieurs paysages: la vallée, notamment, avec la Chaudière en son centre. Des paturages, des champs principalement, et des forêts d'épineux sur la petite colline qui referme la vallée. Saint George, ville fondée il y a 150 ans environ, apparait sous la forme d'un quartier industriel. Puis, c'est la maison des R., où je vais rester pour les quelques heures à venir.

Portrait de famille. Il y a Thérèse et Roger, les parents de Francis et des deux autres enfants. Dans la soixantaine, Thérèse travaille dans un restaurant d'une maison de retraite, et Roger est à la retraite. Il passe son temps sur son fauteuil, à regarder la télé, ou dans le jardin et dans la partie de la maison, qu'il est en train de refaire. La fin de semaine, Thérèse, elle, cuisine, fait le ménage, accomplit les tâches qui incombent à la femme de la maison. Je parlerai peu avec eux; ils ont un accent intense, qui fait que je ne comprends rien aux mots de Roger. Mais surtout, ce couple, qui respire la nonchalance des vieux jours qui passent, inspirent le silence et l'intimité, chez l'étranger que je suis. Roger trône, sur son fauteuil, fumant cigarette sur cigarette, regardant et commentant tout, jouant constamment avec la zapette. Il est le maître.

Thérèse, elle, garde ce je-ne-sais-quoi d'attendrissant. Elle tente, à plusieurs reprises, d'engager le dialogue avec moi. Quand je lui dis que j'étudie la littérature, Francis et moi remarquons sur son visage une lueur de surprise, mais aussi l'appréhension d'un inconnu étrange. Littérature... J'ai peur qu'elle n'ait pas compris le mot, je lui répète. Mais on dirait que cela vient d'une autre époque, pour elle. Et quand elle me demande ce à quoi je suis formé, je lui réponds vaguement "professeur". Je n'aurai pas ce terrain-là de commun avec Thérèse. Mais elle s'intéresse à moi, me demande d'où je viens en France, si j'ai des frères et soeurs. Curieuse Thérèse, souriante et attachante. Elle s'occupe de tous, et je suis surpris de n'entendre personne la féliciter pour son repas ou ses travaux.

Ils sont donc là, à boire du café comme de l'eau, toute la journée. Ce vieux couple d'un autre temps, d'un autre monde, dans le silence de leurs actions et dans l'intimité de leur journée, que je surprends sans qu'ils ne changent quoi que ce soit. A côté, David, le frère de Francis, et sa blonde Stéphanie. Ils reviennent d'un tour en Asie du Sud-Est, et s'apprêtent à partir pour trois mois de découverte et de bénévolat en Inde. Nous engageons la conversation sur l'Inde, avec Stéphanie; David, lui, me réserve un accueil froid. Dans le weekend, tout se réchauffe, et nous rirons même un peu. En attendant, il ne daigne pas me serrer la main.

Dans la soirée nous rejoignent Geneviève, la soeur de Francis, son conjoint, David (qu'on appelle communément Perrot, pour le différencier du David Ier) et leur fils de deux ans et demi, Jacob. Petit bout de chou adorable, mais qui est distant envers les étrangers. Cela se confirme avec moi, jusqu'à ce que je l'aide à faire des gateaux en pate à modeler, où tout le monde est surpris de voir le bambin jouer si vite avec un inconnu.

Au centre de cette famille, le téléphone et la télévision. Rythmant leur vie, complètement. Quand quelqu'un appelle, c'est à celui qui saura, le premier, à qui correspond le numéro. La télévision, quant à elle, est dirigée par Roger, maître de la télécommande qu'il agite comme un sceptre.

J'ai parlé des personnages, voyons la scène. Le diner du samedi midi, d'abord: Thérèse, seule dans sa cuisine, prépare tout. Je lui propose mon aide, et très vite, je comprends que je n'ai rien à faire à ses côtes. Je vais m'asseoir, craintif et timide, auprès de Francis, qui jase avec son frère et Stéphanie. Une fois que le plat de lasagnes est servi, s'empressent de se servir Roger et David, qui avalent leur assiette rapidement. J'attends que Thérèse soit assise pour manger, mais Francis me fait comprendre qu'ici, on s'en fout! Je commence à manger, mais déjà David se ressert copieusement: pour lui, "manger, c'est du temps perdu". Quant à Roger, il a déjà quitté la table pour retrouver son fauteuil-trône, entamant un nouveau paquet de cigarettes. Poli et sincère, je complimente Thérèse pour son plat. Personne ne fait écho, et Thérèse semble même gênée. Le dessert arrive: des joe louis, sorte de pate à gateau marinant dans du sirop d'érable. Gras et étouffe-chrétien, mais excellent!

Francis m'emmène une heure en découverte de Saint-George. Rien de touristique, en vérité. Mais je comprends, très rapidement, qu'il tient à me montrer sa ville, à lui. Son cégep, ses deux écoles secondaires, l'église de Saint-George, dans laquelle il a joué pour la première fois au théâtre. Tel endroit, il a eu un accident, tel magasin, il a travaillé ici. Je sais à quel point il tient à me dire tout cela. Je regarde simplement ses yeux briller, comme un enfant fier de montrer sa petite vie au premier curieux venu.

Le reste de l'après-midi, ce sont jeux vidéos, accueil de Geneviève et ses deux hommes, balade (petite), avec Jacob, Francis et David. Mais déjà, à 17h30, nous nous mettons à table. Pour la réunion de la famille, Thérèse a préparé une fondue chinoise, équivalent d'une fondue bourguignonne, mais ce sont des lamelles de viande cette fois, ainsi qu'une sauce brunâtre qui sert d'huile bouillante. De nombreux plats accompagnent: pommes de terre, haricots, riz, légumes, sauce barbecue faite par Thérèse. Nous avons du vin, que seuls Francis et moi buvons (j'ai donné le goût du vin à mon ami québécois, qui s'amuse même à le sentir!). Là encore, Roger quitte rapidement la table, mais ce n'est que pour mieux revenir lorsque Thérèse, que j'aide exceptionnellement, apporte les parts de gateau au fromage qu'elle a fait elle-même. Succulent. Là encore, je remercie et félicite pour le repas. Toujours personne pour rebondir. Alors je me tais.

La soirée se termine par un tableau familial touchant. Tout d'abord, il y a Roger, toujours sur son fauteuil, regardant tout un chacun, et commentant la télé qui joue sans cesse. Thérèse, elle, s'occupe pendant trois heures sans relâche de son petit-fils, à même le sol. Jacob veut faire un puzzle, elle se dévoue corps et âme à lui, allant même à se coucher par terre avec lui pendant bien une demie-heure. A plusieurs reprises, je ne peux m'empêcher de glisser à l'oreille de mon ami "regarde, ils sont cute!". Nous, de notre côté, les enfants, les jeunes, nous jouons aux jeux de société. Tout se passe dans une quête du divertissement, pour passer le temps, trop long. Les minutes s'écoulent, chacun se lasse. A la fin, je décide d'aller marcher dehors. Francis en profite pour me demander mes impressions. Il pleut encore, et les lumières de Saint-George se reflètent dans les nuages bas.

Le lendemain ne change pas de la veille. Tout est immuable. Roger n'a pas bougé du fauteuil, et Thérèse se presse à faire des crèpes, servies avec des assiettes de fruits préparées comme au restaurant. J'ai abandonné l'idée de l'aider et de la complimenter, ayant bien compris qu'il ne pouvait en ressortir qu'un malaise. Geneviève et Jacob sont revenus pour partager ce déjeuner. Les mêmes gestes de la veille, les mêmes échanges. Il y a une tranquillité des mots, et l'heure se fige, dans cette grande pièce où chacun accomplit, mécaniquement, sa besogne du dimanche. Avant midi, je décide d'aller prendre une autre marche. L'air, dans la maison, devient rapidement irrespirable, les deux parents fumant comme jamais. Je me hasarde sur la rive de la Chaudière, avec mon parapluie, et contemple, de la passerelle, la Beauce nuageuse et brumeuse, verte sans éclat, un déjà-vu qui s'estompe dans la pluie et le jour qui décroît.

Nous repartons à Québec dans l'après-midi. Au revoir à chacun, à ses visages entr'aperçus le temps d'un weekend. Je serre la main de Thérèse, et je vois dans ses yeux une lueur de satisfaction. Roger me dit quelque chose, que je ne comprends toujours pas... En voiture! Avant de rejoindre l'autoroute, Francis m'amène au Pont Perreault, pont couvert qui traverse la Chaudière.


Sur l'autoroute, Francis s'arrête, sans crier gare, sur le bas côte. Il me regarde, et me dit: "allez, tu conduis!". Surpris, mais aucunement gêné, je m'accapare la première place, et roule sur une bonne demie-heure, au volant de la manuelle de mon ami. Québec, au loin, surgit d'un bois de sapins. La Beauce est derrière nous, le coffre de Francis rempli de petits plats cuisinés par sa mère. Tout en gardant le contrôle du véhicule, je remercie Francis. Je sais combien c'était important pour lui, de montrer une part de sa vie à un ami.

Je me promets de revenir en Beauce. Secrètement. Ai-je aimé? Non. Ai-je détesté? Non. Mais quelque chose, de ce temps immuable, de ce pont figé sur un cours d'eau qui se troublerait au premier orage venu, de cette famille unie et simple, me fait dire que ce n'est qu'un au revoir...


dimanche 8 mai 2011

Je plaindrais l’homme qui n’aurait jamais changé.

Depuis hier, je suis à Sherbrooke. Je ne donne ma communication que jeudi matin. Mais demain, déjà, commence le colloque sur Anne Hébert. L'occasion pour moi d'en apprendre davantage sur ses oeuvres, que je connais finalement peu. Ce sera aussi l'occasion de rencontrer quelques potentielles directrices de thèse, pour dans un an. Chantal S. me l'a conseillé: il faut se faire connaitre de visu. A ce propos, Chantal m'encourage vivement à faire un doctorat; ses conseils, mercredi, furent essentiels. Et je sens que le chemin qui m'amènerait à la thèse ne sera pas si compliqué que prévu. Restera à trouver les financements: un peu plus complexe, mais je ne désespère pas...

Il faut aussi préparer la communication, ce que je fais depuis deux heures, dans une brûlerie sympathique du centre-ville de Sherbrooke.

Je lisais une biographie sur Lammenais, personnage essentiel du XIXème siècle religieux en France, quand je reçois un courriel de Matthieu. J'en suis à cette phrase: "je plaindrais l'homme qui n'aurait jamais changé", et d'un seul coup, ce garçon, que je n'ai pas vu depuis un an, me donne de ses nouvelles. Lui et moi, nous sommes pareils: en perpétuel mouvement, garçons hyperactifs et avides de nouveautés, cherchant mille et unes raisons à nos déplacements, qu'ils soient physiques ou autres. Nos avenirs, bien qu'ils se précisent de jour en jour, ne sont que des flous artistiques, promesses d'horizons qu'on n'atteindra peut-être jamais. Mais qu'est-ce qu'une réussite ou une défaite? Tout se trouve dans les chemins qu'on emprunte.

Je ne sais pas si, entre tous nos vols, nos voyages et nos aspirations, nous serons amenés à nous revoir. Mais je garde à l'encontre de Matthieu une tendresse infinie, celle de nos interminables conversations, lors de promenades qui duraient toute la nuit. Ce drôle d'oiseau de nuit, attaché à ses valises jamais défaites. C'est un peu moi, maintenant.

lundi 2 mai 2011

Sous l'œil de Dieu, près du fleuve géant, le Canadien grandit en espérant. Il est né d'une race fière, Béni fut son berceau.


Aujourd'hui est une date importante, pour tous les Canadiens: c'est le jour d'aller voter, pour élire le premier ministre fédéral.

Hier, Sophie, Marc-O et Jean-Michel m'ont expliqué comment ça se passait. Ici, tout se fait à petite échelle. Les citoyens doivent voter pour le député de leur canton ou quartier de ville, celui qui les représentera à Ottawa dans la chambre des députés. C'est au parti qui obtiendra le plus de députés, qui deviendra le parti officiel. Et le chef du premier parti deviendra premier ministre.

Alors, plusieurs options, pour les Canadiens. La première, c'est refaire élire le premier ministre sortant, Stephen Harper, du Parti Conservateur. Donc couper les bourses d'études, arrêter les financements dans la culture, et continuer d'évoluer dans le sillage des Etats-Unis, en étant ridicule aux yeux des autres pays. C'est probablement ce qui est en train de se passer. Mais depuis quelques semaines, la vague orange du Nouveau Parti Démocrate, parti de centre-gauche, dirigé par Jack Layton, s'étend sur toutes les provinces. Tant et si bien que le NPD pourrait bien devenir le premier parti de l'opposition officielle.

Au Québec, situation particulière (encore!). Les séparatistes sont représentés par le Bloc Québecois, parti absolument pas représenté dans les autres provinces, mais qui, si tous les Québécois votaient pour lui, pourrait devenir le deuxième parti de l'opposition. Bien entendu, aucun premier ministre ne sera issu du Bloc Québécois. Mais il y a ici un enjeu de taille, et le parti vise davantage la chambre des députés que le 24, Promenade Sussex (résidence du premier ministre canadien) : permettre au plus grand nombres de Québécois séparatistes d'agir sur les décisions législatives. Il est à préciser que le Bloc est le seul parti provincial à être représenté à Ottawa...

Bon, c'est un peu simplifié, et peut-être un peu faux sur certains points. En tout cas, c'est une élection qui passionne depuis déjà un mois, qui interroge sur la place du Canada dans le monde et les directions à prendre, dans ce temps d'après-crise. Pour moi, ça ne change pas grand chose: il faut travailler, et le mémoire ne sera pas fait avec des bulletins de vote, aussi beaux soient-ils.

dimanche 1 mai 2011

Je danse, j'ai le coeur à l'envers comme un enfant.

Je passe mes journées à écouter Yelle, que je vois lundi soir au Cercle en concert. Ca sent le bonbon, l'acidulé,c'est sucré comme une année à l'étranger. Bon, la comparaison est simpliste, mais c'est le sentiment de ces jours ensoleillés.

Je retrouve le plaisir de m'allonger dans l'herbe, par un samedi chaud et joyeux, où les enfants jouent au ballon et les ados à la guitare. Sur la place de l'Université du Québec, dans la Basse-ville, je m'accorde une pause méritée. Nous travaillons depuis deux heures avec Francis: lui ses maths, moi mon rapport de recherche. Ca nous motive, de travailler ensemble (bien que nous en profitions pour parler aussi, beaucoup). Et nous voilà, à deux pas de son appartement, où mon ordinateur et mes bouquins attendent patiemment; un thé Tazo à la main, je regarde les beaux jours revenus et les sourires prétentieux des skateurs. Francis lit à côté de moi, étendu de tout son plein sur le gazon vert. Ce soir, nous allons voir Les Belles Soeurs, la pièce de Michel Tremblay, où une connaissance joue.

C'est un temps de l'insouciance qui suit la fin de session. Et bien que les fleurs ne pendent pas encore aux arbres, on se sent soulagé, de l'arrivée de l'été, pas si loin que ça. J'ai beau avoir un rapport à rendre, une conférence à rendre, je ne suis motivé que pour voir mes amis. Demain, je retrouve Sophie, Marc-Olivier et Jean-Michel. Dans la semaine, Priscilla, Eléonore. J'ai soif de cocktails, de rires à prendre à tout-va; j'ai le besoin d'absorber ces temps de répit, de derniers divertissements. Au loin, et je ne peux m'empêcher d'y penser, s'annonce le retour. Ce mot, je le ressens comme une déchirure. Une partie de moi appartient désormais à cette ville, à cette colline qui aura vu plus d'une glissade sur la neige de ma part.

Regarder en France me fait prendre conscience du bouleversement qui s'est fait, depuis le départ. Tout m'apparait comme futile, sans essence propre. J'ai envie de revoir ceux que j'aime, mais seulement quelques jours; parce que j'ai peur de n'avoir rien à leur dire, rien à retrouver avec eux. Je me suis éloigné, j'ai voyagé, j'ai aimé de nouvelles choses, de nouvelles personnes. J'ai appris à comprendre une langue qui, encore, me surprend; et maintenant, je ne rêve que de parler ces mots, que d'avoir cet accent qui me manquera tant à Lyon. Il y a chez les Québécois cette alternance, entre une finesse toute choisie et un manque de tact véritable, qui n'a rien à voir avec les demis mots français, auxquels je contribue malgré tout dans ce blog.

Alors, oui, je danse, je bois, je m'amuse, et je ris comme toujours. J'embrasse les joues qui se tendent, et je serre les mains, compulsivement, par peur qu'elles ne m'échappent.

Au fait, Blogger a des problèmes pour les photos. Donc, je ne mettrai que peu de photos de mes périples et aventures (comme on peut le voir pour New York). Pardon, mais c'est sa faute à Internet.