vendredi 8 juillet 2011

J'aurai toujours les yeux plein d'eau, mais j'les aurai toujours ouverts.


Pour le mot de la fin, j'ai laissé passer les jours, les heures qui parfois, s'allongeaient, vicieuses. Un dernier billet, pour cloturer un an de confidences, ça se pense, ça se mûrit, progressivement. Il s'agit de bien écrire, de bien conclure. Et surtout, d'en avoir envie.

Je réapprends à vivre en France. Oui, c'est un réapprentissage. Je n'ai pourtant pas changé de culture, c'est toujours un peu la même chose. Je connais très bien mon pays, il y a des attaches, des lieux qui ont du sens pour moi, des visages qu'il est bon de retrouver. Mes parents, mes amis, ces âmes qui nous manquaient un peu, au fond de nous.

Mais vite arrive le dégout, la lassitude, l'ennui. J'ai peut-être trop attendu de tous et de tout, et rapidement, je veux être seul. Que répondre, quand chacun me demande "Alors, c'était comment?". Que dire, quand on insiste pour savoir ce qui m'a marqué là-bas. Là-bas. C'est déjà loin. Trois semaines.

Il y a deux types de personnes: ceux qui n'ont pas changé, les mêmes. Leurs problèmes n'ont pas évolué. Ma mère, mes grands-parents. Mais le plus rageant, ce sont ces amis, qui restent identiques, dans un manque d'ambition flagrant, qui se bornent au plus simple, sans voir d'autres limites que celles de Lyon. Communs, sans aucun fond marquant. J'ai honte de les mépriser. Je les aimais, pourtant. Et je vais réapprendre à les aimer.

Et puis, il y a ceux qui partent. Attirés, comme moi, par le néant de l'inconnu, vers des terres que je connais, ou pas. Ceux qui risquent un bagage, un pied-à-terre, et se hasardent dans un pays étranger, à la langue et aux coutumes très différentes. Ils volent déjà. Ceux-là, je les jalouse, mais je suis surtout heureux. Je connais leurs angoisses, leurs attentes, et je peux dès maintenant appréhender, avant eux, leur retour, aussi difficile que le mien.

Parfois, j'ai des nouvelles de l'autre côté. La vie continue, pour eux. Il manque peut-être quelqu'un, dans leur vie, mais ce n'est qu'une petite partie d'eux-mêmes. Alors, les jours s'avancent, ils vivent ce qu'ils devaient vivre. Si j'avais été là, ç'aurait été peut-être la même chose.

Et moi, dans tout ça? J'ai changé. Je ne suis plus le même. On voudrait me considérer comme un enfant, comme celui d'il y a un an. Sottises. On voudrait me garder, pour les années à venir. Mais dans ma tête, je ne suis pas encore là. Je flotte, un peu quelque part, entre Québec et Lyon, douloureux et plein d'envies. La première: revenir. Rentrer à la maison, là-bas.

Pourquoi être parti au Québec? Je n'ai toujours pas trouvé de réponse précise et unique. Mais d'autres réponses, à d'autres questions. Il y a des espoirs, des lignes de fuite, des plans qui se dressent, et l'horizon, toujours incertain, adopte malgré tout une certaine couleur. Ma vie en bleu et blanc, le coeur à l'ouest, un accent à couper au couteau dans les oreilles, je continue ma route.

Lyon, le 8 juillet 2011

samedi 18 juin 2011

Un très très grand détour pour aboutir seul dans un escalier.

Qu'on me pardonne, pour ce manque de nouvelles. Après Seattle, tout s'est enchainé, très vite, les kilomètres, les jours. Impossible de donner quelques impressions, via le blog. Je jouerai avec le temps, plus tard, pour écrire des articles sur ce que j'ai vu, ce que j'ai entendu. Patience...

Nous sommes le 18 Juin. Demain, Montréal, à 23h45, je m'envolerai pour la France. Arrivée le 20 Juin, à 13h heure locale, aéroport de Lyon. Du 20 Août au 20 Juin, une boucle qui se termine.

Depuis jeudi, nous sommes à Québec. Je fais découvrir "ma ville" à Anais, mais au fond, je suis absorbé par mon départ. Tant de choses à faire, à terminer; en fait, il n'y a que des adieux. Mais, comme à mon habitude, je me fais une montagne, des petites choses qui finalement, ne nécessitent qu'une minute, un bécot, et un signe de la main.

Justement, à cette heure, mes adieux sont faits. Une petite dizaine de personnes, réunies pendant un 5 à 7 en l'honneur de mon départ. Quelques français, mais surtout des québécois: Jean-Michel, Marc-Olivier, Mélodie, Justin, Thomas, Sophie. Il manque bien deux trois personnes de la Belle-Province, mais ce n'est qu'une question de mois, avant que nous nous revoyons. Et puis, il y a Eléonore et Aurélie, Nadine, Anais. Tout ce monde qui, en dix mois, a pris tant d'importance à mes yeux. Je photographie chaque visage dans ma tête, par peur d'oublier ces traits que j'ai aimés; j'absorbe les rires, les voix, les accents de tous, et en fais un patchwork de souvenirs. Je serre Sophie dans mes bras, promets de revoir Mélodie en France très vite. Des mots, afin d'atténuer la séparation, et pour remplir un vide qui, de toute façon, fera toujours de la peine.

J'ai aussi fait mes adieux à Francis, en plusieurs temps. Je veux me rappeler de tout, mais surtout de ces deux heures, sous un arbre, par une journée de juin chaude et étouffante. A revenir sur toute mon histoire, cette année passée ici. Il m'écoute, réponds par un hochement de tête, et quand je commence à angoisser, me prend la main, et me rassure. Un ami, avant tout. Un regard, qui en dit long, et réussit à calmer mes craintes, pour un temps. Peut-être l'une de ces personnes, avec qui l'on partage un bout du chemin, et qui, en peu de temps, réussissent à vous changer entièrement.

Oh oui, j'ai pleuré. Pas autant que je le pensais. Mais au fond de moi, il y a ce grand vide qui me prend, entièrement. Je regarde mes amis, je regarde Québec, et je réalise enfin que tout cela avait une fin. Qu'elle est là, à quelques heures.

Je me rassure, projette des vacances, très souvent. Et surtout, l'idée du doctorat me tient éveillé, me permet de survivre, dans un espoir absolu de revenir. J'entreprendrai ce doctorat, je sens de plus en plus l'envie de faire de la recherche me saisir. Et puis, c'est un moyen de retourner ici. Partir un peur, pour mieux revenir. Et la fin n'est qu'ajournée.

Le dernier billet de mon blog n'est pas pour aujourd'hui. Mais le dernier billet écrit au Québec, si.

jeudi 16 juin 2011

Bye bye Barbary Lane.


Le jour où j'ai su que j'irai au Canada, j'ai imaginé un tas de choses. Ma vie à Québec, des rencontres potentielles, et surtout, les voyages que je rêvais de mener depuis un moment. Il y a eu Montréal, fantasmée et crainte; New York, rêve de tout Occidental, à deux reprises; il y avait aussi San Francisco. Je voulais au départ y vivre, puis partir un an; au final, nous terminons notre périple par 8 jours dans la ville du Golden Gate. 8 jours, ce n'est rien, et pourtant, c'est encore un rêve qui se réalise. Les souvenirs de Michael Tolliver dans la tête, j'entreprends la découverte de San Francisco.

On compare souvent New York et San Francisco, de par leur taille, de par la diversité des paysages. L'une à l'Est, l'autre à l'Ouest. Mais tant de différences! New York, c'est la montre à la main, les aiguilles qui tournent vite, le rythme qui s'accélère, au son des taxis; on court dans New York, on veut de l'énergie, de la supériorité, la vie est grande. A San Francisco, rien n'est pareil. Il y a un air de nonchalance, de plaisir assumé et ralenti. On hait facilement les quelques quarante collines, parfois difficiles à grimper, mais le plaisir est dans la marche, dans le temps qu'on prend, les instants immobiles et le sentiment que tout s'est arrêté un jour.
C'est la ville hippie, où l'on traverse Haight avec les senteurs de la marijuana et les couleurs chatoyantes des vêtements du Flower Power. C'est la ville gay, avec le Castro, où les hommes se promènent nus, et où le drapeau arc-en-ciel rappelle la fierté et la différence du lieu. C'est la ville polémique, avec le City Hall, où fut tué Harvey Milk, et cescentaines de manifestations par année, sur Market. C'est la ville de l'art, avec SoMa, son art moderne et ses hipsters assumés. C'est la ville riche, avec sa Marina, ses maisons en bord de mer, frayant avec la plage et le vent, qui n'arrête jamais. Au loin, Alcatraz, et encore plus loin, le Golden Gate Bridge, imposant et doré, gardien d'une ville hors-du-commun. San Francisco, ville asiatique, européenne, indienne, au carrefour de mouvances et d'idées révolutionnaires et exubérantes. On y protège des valeurs, on en défend de nouvelles. Et si New York fait fi du passé, pour se tourner continuellement vers le futur, San Francisco multiplie les visages anciens et nouveaux.

Les maisons sont roses, bleus, vertes; les habitants, souriants, en colère, sentimentaux. Il y a de la vie, la vraie, celle à fleur de peau, choquée par les décisions gouvernementales, bouleversée par l'Etranger, toujours bien vu à San Francisco. On rit beaucoup, on parle énormément, il y a de l'échange. Je rencontre Lucas, originaire du Colorado, qui a décidé de vivre son rêve américain dans la contre-culture américaine, ici. Il veut voyager, découvrir, mais sa maison est ici; il est heureux d'habiter à San Francisco, et se dit que bien des gens voudraient être à sa place. Il n'a pas tort.

Parfois, nous sortons de San Francisco. Un vélo, pour rouler le long de la Marina, passer le Golden Gate Bridge, et terminer par un fish and chips à Sausalito, de l'autre côté de la Baie. Il fait si beau, malgré ce vent océanique qui rafraichit parfois nos coups de pédales appuyés. Un jour, nous louons une voiture, pour nous rendre dans la Yosemite Valley. Marcher le long des cascades, de la retenue d'eau d'Hetch Hetchy, et admirer le Capitan, dans un décor tout droit sorti du Seigneur des Anneaux. Un autre jour, nous affrontons le brouillard, à Point Reyes, à la découverte des côtes déchiquetées de la Californie.


Nous. Mais au final, San Francisco est davantage une découverte personnelle. Je me sépare souvent d'Anais. C'est un projet, vieux, si vieux, qu'il ne doit pas être terni par quelqu'un, si précieux soit-il. Alors, comme à mon habitude, je prends le poûls de la ville. Je ressens les gens, les choses, les rues et ces maisons victoriennes sans âge. Un café, un banc dans un parc, ou simplement arpenter la côte Pacifique, avec La Porte d'Or tout au bout du chemin. La conclusion, elle se fait à San Francisco. De Lyon au Golden Gate Bridge, l'ultime destination, c'est le temps d'un retour sur soi.

lundi 6 juin 2011

On the road again, again...

Mardi 31 juin commence notre road-trip en Washington et Oregon. Six jours, de nombreux arrêts prévus, de la marche, de la montagne, de la ville, et le Pacifique, à aller saluer une nouvelle fois, côté américain (en effet, à Vancouver, nous avons déjà trempé les pieds dans l’océan). Nous nous rendons à l’aéroport Sea-Tac, chez Trifty, pour prendre notre petite auto. Nous ne la rendrons pas dans le même état, 6 jours plus tard. Mais ça, c’est une autre histoire.

Notre premier arrêt : le Mont Rainier. Nous avons réservé deux nuits dans un motel à Packwood, petit village, véritable porte pour les sentiers du volcan de plus de 4 000 mètres. Mais nous ne nous y rendrons que le soir ; avant cela, nous entrons dans le National Park of Mount Rainier, moyennant un pass-voiture pour 7 jours. Un tour au centre d’information de Longmire, il fait soleil, mais les nuages menacent. Nous décidons de prendre un sentier de 5 miles (8km environ) en direction d’une cascade. Au cours de notre ascension, la pluie se fait connaitre, d’autant qu’au sol, la neige est encore présente. Au bout de dix minutes, nos vêtements et nos pieds sont trempés. Nous traversons un cours d’eau, et arrivons enfin à ladite cascade, pour très vite redescendre. Le temps ne se prête pas à la longue méditation face aux éléments. Plus nous redescendons vers Longmire, plus le soleil perce, à travers les nuages ; la pluie s’arrête, et bientôt, nous remettons nos lunettes de soleil.

Nous reprenons la voiture, déçus. Mais une belle surprise nous attend. Nous devons traverser tout le parc pour rejoindre Packwood. Ainsi, au détour d’un virage, trônant au-dessus des sapins, le Mont Rainier s’élève. Nous poussons tous les deux un cri, prenons mille photos de cette image magique ; le sommet n’est pas caché par un nuage, comme nous l’apprendrons le lendemain. Nous nous arrêtons pour faire des photos, capturer cet instant de grâce intense. Puis, sur le chemin du retour, nous croisons marmotte et oiseaux des plus étranges. La vallée s’approche, nous perdons de l’altitude, sur notre énorme montagne, pour déboucher dans une passe, où se trouve Packwood et le petit motel.

Ce soir là, nous dormirons tôt, après une petite bière au saloon du village (disons-le, Packwood, c’est le fin fond du monde).

Le lendemain, nous repartons au Mont Rainier. Mais le temps est plus capricieux que la veille, et nous ne verrons pas une once de ciel bleu ce jour-là. Cela ne nous empêche pas de marcher, le long d’un sentier long et pentu, qui rejoint un belvédère sur la vallée de Longmire. La forêt pluviale est une rareté dans le monde, et dans cette brume humide et désagréable, la couleur des arbres s’habille d’un vert unique en son genre. Après cette longue marche, nous reprenons la voiture, et nous rendonsà un petit sentier censé nous montrer des arbres millénaires. Petits que nous sommes, nous jouons les ridicules, au milieu d’une forêt d’arbres gigantesques.

Jeudi 2 juin, nous quittons Packwood, et le petit paradis terrestre du Mont Rainier, pour descendre plus dans le sud, à Portland. Mais nous ne prévoyons d’arriver dans la plus grande ville de l’Oregon que le soir. Avant cela, une vite au Mt Ste Hélène, fameux volcan rendu célèbre par le film Le Pic de Dante, et dont l’éruption de 1980 aura fait de grands ravages dans la région. Là encore, nous ne sommes pas bénis des dieux pour le temps ; la pluie est torrentielle. Nous faisons malgré tout route vers la montagne. A mi-chemin, nous nous arrêtons au bureau de poste d’un petit village. Nous y passerons vingt minutes, face à une employé stupide et absolument pas qualifiée qui, si je ne l’avais pas surveillée, n’aurait pas envoyé toutesmes cartes du Mont Rainier, ni mis le nombre de timbre nécessaire. Cette anecdote passée, nous prenons le chemin du volcan, toujours sous un ciel menaçant. Plusieurs fois, nous croisons la pluie. Et arrivés à Johnson Observatory, le point d’information le plus près du cratère, le cataclysme se fait annoncer. Nous avons malgré tout le temps de prendre quelques clichés du paysage apocalyptique : le cratère, les arbres encore calcinés, après la rage de l’éruption de 1980. Et ces nuages, qui n’annoncent rien de bon, et nous font déguerpir plus vite que prévu.

A Portland, nous logeons chez Kristlan, Moses et Roman, trois colocataires. Nous ne sommes pas les seuls : la maison est un véritable lieu de passage, et nous sommes environ 10Couchsurfers à loger ici. Nous n’aurons aucun de lien avec les trois colocs, contrairement à Christopher et Hneri-Bastien, nos logeurs de Seattle. Néanmoins, nous rencontrerons ici Alban et Adèle, qui nous rejoindront pour remonter la Columbia River. Pour l’instant, nous sommes à Portland, jolie ville que nous décidons de visiter le 3 juin. Chanceux, il fait un temps superbe dans la ville, et à pieds, nous marchons dans le centre-ville, ombragé et verdoyant. C’est une plus petite ville que Seattle, Portland ; écolo, très bobo si l’on veut. S’annonce bientôt la fête des Fleurs, événement principal de la ville, et déjà sur la place du Pioneer Courthouse, s’amoncèlent les bouquets floraux les plus réussis. Nous montons au Washington Park, où, de loin, nous voyons le Mont Hood, autre volcan impressionnant. Et en fin de journée, nous arrivons même à voir le sommet du Mont Ste Hélène, dégagé aujourd’hui. Nos visages et nos bras sont rouges, le soleil et la ville, aussi écologique soit-elle, nous enflamme.

Le lendemain, nous sortons pour la journée de Portland, accompagnés d’Alban et d’Adèle, rencontrés la veille (les quatre A en voiture !). Après un déjeuner très copieux,nous longeons la Columbia River, l’un des plus grands fleuves nord-américain. Nous avons déjà vu la Columbia, dans l’Est du Washington : ses falaises découpées et rougies par le soleil et le vent. Ici, c’est le vert, les arbres, et les nombreuses cascades, le long de la rive. Nous nous arrêtons de ci delà, et entreprenons une grandemarche de 400 mètres d’ascension, afin de dominer le fleuve, les montagnes. Au loin, d’un côté, le Mont Ste Hélène et le Mont Adam ; de l’autre côté, le Mont Hood. Nous continuons notre route, pour terminer à Hood River, porte d’entrée pour les champs et les verges avoisinant le Mont Hood. La vue est sublime, et un paysage de Toscane, dominé par l’imposant volcan, nous surprend et nous ravit. Je voudrais rester des heures, devant cette cartepostale vivante, tout comme le Mont Rainier. Mais il faut rentrer, la route est longue, pour repartir à Portland, et il est déjà 18 heures.

Dimanche5 juin. Le jour où nous découvrons, catastrophés, que quelqu’un est rentré dans notre voiture. Panique vite calmée, par un restaurant où nous avons la possibilité de cuisiner nos propres pancakes. Miam. Puis c’est l’heure de partir, le char abimé. Nous rentrons par la côte Ouest. De Portland, nous rallions Cannon Beach, station balnéaire huppée dominée par un rocher posé là, dansle Pacifique. La brume lutte courageusement contre le soleil, et les vagues semblent ravir les quelques courageux qui osent braver la température extrême de l’eau. Nous reprenons vite la route, vers Astoria, ville de cinéma, qui servit de décors pour de nombreux films. Pas d’arrêt en voiture, seulement circuler dans le village, prendre des photos de ces maisons victoriennes qu’on retrouve, dans quelques plans célèbres, sur le grand écran. Le temps de prendre le pont qui traverse la Columbia River (encore elle !), et nous voici à nouveau en Washington. La route est longue, quatre heures à peu près, sur des chemins où nous sommes seuls. Nous traversons deschamps, des forêts protégées, des villages déserts, jusqu’à ce que, juste avant de reprendre l’autoroute pour Seattle, le Mont Rainier, prince en ces lieux, nous salue de son sommet enneigé. Un vieil ami, à qui nous rendons son salut, avant de quitter la région, et de le revoir, qui sait, un jour prochain.

C’est une boucle qui se ferme. Arrivés à Seattle le 25, nous retournons une dernière fois dans cette ville, avant de quitter le nord américain, et de descendre, vers la Californie. Une roue crevée et une galette changée, grâce à Christopher et Henri-Bastien (quelle chance, onlogeait chez eux !), nous rendons la voiture, sans rien avoir à payer pour les petits dommages causés plus ou moins involontairement (j’avais pris une assurance, prévoyant que je suis). Puis le Sea-Tac,où nous attend notre avion pour San Francisco. De nouveaux décors, de nouvelles personnes nous attendent, là-bas. Etde l’Oregon et du Washington, nous emportons une fatigue intense, mais surtout la satisfaction de plus de 10 jours d’aventures incroyables et imprévues. Seattle n’est pas pour moi la ville de cœur, mais un souvenir, aux accents étranges et à l’odeur de Starbuck’s et de sous-bois humides, reste gravé en moi.


mardi 31 mai 2011

Dans l'Orient désert, quel devint mon ennui!


Christopher, notre Couchsurfer de Seattle, nous invite dès le premier soir à une expédition de trois jours: le weekend du Memorial Day comptant trois jours, sa gang d'amis et lui partent dans l'Est du Washington, après les chaines de montagnes enneigées et pluvieuses. Près du Montana, là où le sol est aride et où TRES peu de gens vivent. Nous acceptons, en ayant l'idée de faire quelque chose hors du commun, et surtout, pas prévu dans notre planning. Le Mt Rainier attendra; pour l'instant, nous préparons duvets, tente et sac à dos pour trois jours dans le désert.


Nous rejoignons tous les amis de Christopher à Ellensburg, petite ville ensoleillée près des autoroutes pour le centre des Etats. Il y a Tyler et Lea, petit couple avec qui nous sympathisons d'emblée, et ce malgré la barrière de la langue (Anais a en effet beaucoup de mal avec l'anglais); Jay, originaire de la Nouvelle-Orléans, lunatique mais très sympa; Nany et son chum Punit, et Jason. Trois voitures, qui se dirige vers The Ancient Lake, dans les anciennes gorges de la Columbia River. Nous voyons justement la Columbia, que dis-je, nous la traversons, et nous arrêtons pour voir les falaises abruptes, et le désert de plantes sèches qui s'étend, jusqu'au parc des éoliennes, solitaires dans ce paysage tout droit sorti d'un jeu vidéo.

La première journée de marche est éreintante, décevante, car nous devons faire demi-tour pour retrouver les voitures et prendre la VRAIE route du campement, au milieu des falaises, mais malgré tout, chacun est heureux de cette journée. Et malgré les moustiques qui, peu à peu, dessinent une carte du relief américain sur nos pauvres peaux (les salauds!), nous voyons sous nos yeux un désert, au sens propre comme au figuré. Nous sommes les seuls, à arpenter ce sol rouge ou marron clair, que traverse un petit cours d'eau, et qui débouche sur un lac grandiose. Nous trainons une glacière avec nous, ce qui vaut quelques paniques et fous rires, quand il faut descendre les falaises. Mais nous nous installons malgré tout près de ce Ancient Lake, ravis du paysage et de la beauté silencieuse du lieu.


Le lendemain, Tyler et Jay restent au campement, profitent de la solitude du lieu et des sentiers cachés de l'endroit. Nous marchons 45 minutes pour retrouver la voiture. Nous ne ferons que ça: conduire, trouver quelques lieux de randonnées, les faire à moitié, puis remonter. Des plans qui tombent à l'eau, mais qu'importe! l'ambiance est excellente. Dans la voiture, nous sommes trois Français, s'en donnant à coeur joie pour parler de tout ce que nous découvrons. Nous trouvons, au hasard d'un mirage, d'une falaise déchue, une ferme, une vigne, un signe de vie dans l'immensité d'une plaine américaine à l'abandon, jamais découverte, et qu'on ne répertorie sur une carte que par un nom insignifiant.
Le troisième jour, après une veillée arrosée de rhum, de vin et parfumée d'herbe à la pipe autour d'un feu de camp, nous faisons nos sacs, au milieu des serpents et des falaises, insouciantes et majestueuses. Le temps de s'arrêter à Ellensburg, manger ensemble une dernière fois, et de quitter ces personnes, qu'on a vraiment aimées. On s'échange des adresses, mais dans le fond, ce n'est qu'un lien qui s'éffilochera avec le temps. Seul le souvenir de ces visages, éclairés par les flammes du feu de camp. Tyler et son bacon, Léa si gentille, et Jay, et tous. Et surtout, ces gorges de la Columbia River, qui n'ont rien à envier au Grand Canyon.

vendredi 27 mai 2011

Hello Seattle, I am an albatross on the docks and your boats.

Suite du périple, cette fois, de l'autre côté de la frontière. De Vancouver à Seattle, quatre heures de bus, et la pluie, interminable. Nous réussissons malgré tout à apercevoir le Mont Baker, premier volcan d'une longue série d'autres montagnes, formant la chaîne des Cascades.

C'est Christopher qui nous reçoit chez lui. Rencontré via Couchsurfing, il est Québécois, une occasion donc, de renouer avec "le pays". Lui et son coloc', Henri-Bastien, sont ingénieurs informatiques chez Microsoft, et leur accueil est à la hauteur de la jovialité québécoise: simple, et très bavarde. Christopher nous donne de nombreuses idées pour notre voyage en voiture, et nous invite à aller trois jours avec lui et sa bande d'amis dans le désert, de l'autre côté des Cascades.

Seattle, c'est avant tout la ville de Starbuck's, Grey's anatomy, et Boeing. Bon, le Seattle Grace Hospital n'existe pas, Boeing est délocalisé à Chicago, restent donc les centaines de Starbuck's, qui se suivent dans les longues rues. Anais joue au jeu des différences: plus sale, plus cosmopolite, moins aéré que Vancouver. En général, les villes américaines sont différentes des villes canadiennes. Néanmoins, c'est une jolie ville animée, que Seattle. Nous marchons beaucoup, le Pike Place Market, le front de mer, la Space Needle (un coton tige sur lequel se serait posée une soucoupe volante) et la colline, qui permet d'admirer la ville, et au loin, le Mt Rainier, le plus haut volcan de la chaîne de montagne (il est prévu que nous allions y faire un tour prochainement).

Alors, la journée, nous marchons. Le soir, nous buvons, sur Capitol Hill, et nos hôtes nous font découvrir des endroits géniaux pour prendre un verre. Cela fait aujourd'hui une semaine que nous sommes dans l'ouest. Anais se fait au manque de la France, de son copain. Moi, je n'y pense pas, et chante sans cesse Owl City. En buvant le café, en regardant la vue devant nous, les montagnes, et derrière nous, encore l'océan, je ne ressens rien qu'un sentiment du "loin loin loin", ce qui rend encore plus excitant ce voyage.

Au passage, mon anglais est bon; Anais, elle, quand elle parle, fait un attentat à la langue de Shakespeare. Cela nous fait beaucoup rire, évidemment!

Le rêve continue. Prochaine étape: ce fameux désert, puis la voiture, Mt Rainier, Mt St Helens, et Portland. Tadaaaam!

lundi 23 mai 2011

Si vous n'aimez pas la mer, si vous n'aimez pas la montagne, si vous n'aimez pas la ville... allez vous faire foutre !

Un premier post, alors qu'il est bientôt 21 heures à Vancouver. Cela fait quatre jours bientôt que nous sommes ici, à neuf heures de décalage de la France, d'où la fatigue d'Anais, qui dort présentement; seulement trois heures de Québec, alors moi, je m'y suis fait vite, au rythme de la ville de l'ouest.

Tout n'est que verdure et vitres, dans cette cité où les tours de verres cherchent à égaler les montagnes, à côté. Pas mal de grattes-ciel lumineux, modernes, voire futuristes, et au pied, de nombreux jardins et espaces verts. En me baladant, je ne peux pas m'empêcher de repenser à cette discussion sur Vancouver, entre Francis et moi:

-Combien de jours faudrait-il rester, selon toi, à Vancouver?
-Une vie entière. Mes deux mois là-bas, j'ai capoté.
-OK!

Et Francis avait, encore une fois, raison.

Il y a le Pacifique, que nous avons effleuré hier, sur la plage de Kitsilano. Il y a la ville, ses grands trottoirs et ses immeubles résidentiels et commercials. Il y a de l'altitude, pas si loin que ça, et la Grouse Mountain, que nous avons vue aujourd'hui. Du relief, de la hauteur, de l'aérien, dans une ville qui respire la forêt de sapins et l'air marin, en même temps que les nombreux cafés et les nouilles chinoises de Chinatown.

Hier, alors qu'Anais dormait (jetlag, quand tu nous tiens!), je m’assois face aux montagnes, et au soleil, qui se couche et illumine les tours. Il a plu toute la journée, mais ce soleil, qui se réveille au même moment qu'il disparaît à l'horizon, réveille la chaleur qu'on pensait oubliée, au creux de nous. Quelques cartes postales plus tard, et alors que Coeur de Pirate chante à mon oreille (oui, je me mets à l'aimer, celle-là....), je me dis que ça y est: j'y suis, le rêve commence. Cette même sensation qui m'avait rempli, il y a neuf mois, lors de mon arrivée au Canada. Oui, je ne dis pas toujours Québec, j'ai appris à laisser tomber les illusions souverainistes, pour embellir ce beau pays multiculturel et uni à la fois.Neuf mois plus tard, le temps d'une renaissance pour ma part, alors que je revendique habiter la ville de Québec plutôt que Lyon, me voici là, de l'autre côté du continent, dans une ville qui porte les plus beaux espoirs, pour ce voyage décisif de ma vie.

Rien ne sera pareil, à mon retour en France. Et Vancouver semble présager de beaux souvenirs en devenir, qui me guideront pas à pas lors de mon réapprentissage de la vie française.

jeudi 19 mai 2011

Il n'y a d'homme plus complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie.

Ce sont ces mots de Lamartine, qui me trottent depuis ce matin, alors que j'achève les derniers préparatifs. Je quitte dans une heure ma maison de Québec, et ma chambre est vide, sauf le lit, où s'étalent valises éventrées et sacs à demi-remplis.

Je pars, pour un mois d'itinérance. Plus de maison, plus d'adresse, mes lettres trouveront bien quelque part, où arriver. C'est inquiétant, de partir pour un mois. Et en même temps, je suis fébrile.

Le voyage de ma vie, il est là. J'ai rêvé, tant d'années, pour faire ça. Et même si c'est un premier départ de Québec, et que ça me fait mal de quitter des amis, j'essaye de ne pas gâcher le plaisir, et songe aux milles choses que je vais faire. Gaëlle m'a très bien rappelé que ce périple, j'en parlais depuis des années. Il m'appartient, il est à moi, à ma portée à présent: je n'ai pas le droit d'en ternir le souvenir, en aucune raison.

Vancouver, Seattle. La chaine des Cascades, Portland, la côte Pacifique. Mais surtout huit jours à San Francisco, terminus de ce voyage de vingt-cinq jours. J'ai plein de projets, de visites à faire. Anais me retrouve demain, à l'aéroport de Vancouver, et ce sera parti pour une expérience incroyable.

Ce voyage constitue le dernier rempart avant le retour, que je n'anticiperai qu'après le 15 juin. Il le faut.

Allons nous gaver de belles choses!

L'accumulation des connaissances n'est pas la connaissance.

Petite photo du colloque, avec l'équipe. Je n'en ai pas beaucoup parlé, le temps me manque cruellement. Alors je mets la photo, pour rappeler que j'ai été une semaine à Sherbrooke, conférencier et tout le bla bla... Et c'était chouette.


Les actes du colloque seront publiés sur Internet prochainement. Et on parle déjà d'un autre colloque, plus important cette fois, à Paris, pour l'an prochain. Le réseau s'intensifie, et je fais à présent partie d'un petit groupe de chercheurs sur la question des médias. Stimulant!

dimanche 15 mai 2011

A la campagne, y a toujours un truc à faire.

Samedi matin, tôt, très tôt, Francis m'embarque dans sa voiture, pour se rendre chez ses parents. Mon ami a, en effet, décidé de me montrer son coin de pays, pendant deux jours; découvrir un aspect du Québec, et une région particulière: la Beauce. Cet endroit, on m'en parle depuis le début de mon voyage. Souvent, on parle de la Beauce comme d'un endroit reculé, très rural et agricole, avec rien à voir, si ce n'est des paysans parlant un pâtois très éloigné du français québécois. On dit même que beaucoup de québécois ne comprennent pas les Beaucerons.

J'arrive donc avec un trop plein d'appréhensions et de clichés en tête. La Beauce est sous la pluie, en ce samedi matin. Francis quitte l'autoroute rapidement pour me faire voir plusieurs paysages: la vallée, notamment, avec la Chaudière en son centre. Des paturages, des champs principalement, et des forêts d'épineux sur la petite colline qui referme la vallée. Saint George, ville fondée il y a 150 ans environ, apparait sous la forme d'un quartier industriel. Puis, c'est la maison des R., où je vais rester pour les quelques heures à venir.

Portrait de famille. Il y a Thérèse et Roger, les parents de Francis et des deux autres enfants. Dans la soixantaine, Thérèse travaille dans un restaurant d'une maison de retraite, et Roger est à la retraite. Il passe son temps sur son fauteuil, à regarder la télé, ou dans le jardin et dans la partie de la maison, qu'il est en train de refaire. La fin de semaine, Thérèse, elle, cuisine, fait le ménage, accomplit les tâches qui incombent à la femme de la maison. Je parlerai peu avec eux; ils ont un accent intense, qui fait que je ne comprends rien aux mots de Roger. Mais surtout, ce couple, qui respire la nonchalance des vieux jours qui passent, inspirent le silence et l'intimité, chez l'étranger que je suis. Roger trône, sur son fauteuil, fumant cigarette sur cigarette, regardant et commentant tout, jouant constamment avec la zapette. Il est le maître.

Thérèse, elle, garde ce je-ne-sais-quoi d'attendrissant. Elle tente, à plusieurs reprises, d'engager le dialogue avec moi. Quand je lui dis que j'étudie la littérature, Francis et moi remarquons sur son visage une lueur de surprise, mais aussi l'appréhension d'un inconnu étrange. Littérature... J'ai peur qu'elle n'ait pas compris le mot, je lui répète. Mais on dirait que cela vient d'une autre époque, pour elle. Et quand elle me demande ce à quoi je suis formé, je lui réponds vaguement "professeur". Je n'aurai pas ce terrain-là de commun avec Thérèse. Mais elle s'intéresse à moi, me demande d'où je viens en France, si j'ai des frères et soeurs. Curieuse Thérèse, souriante et attachante. Elle s'occupe de tous, et je suis surpris de n'entendre personne la féliciter pour son repas ou ses travaux.

Ils sont donc là, à boire du café comme de l'eau, toute la journée. Ce vieux couple d'un autre temps, d'un autre monde, dans le silence de leurs actions et dans l'intimité de leur journée, que je surprends sans qu'ils ne changent quoi que ce soit. A côté, David, le frère de Francis, et sa blonde Stéphanie. Ils reviennent d'un tour en Asie du Sud-Est, et s'apprêtent à partir pour trois mois de découverte et de bénévolat en Inde. Nous engageons la conversation sur l'Inde, avec Stéphanie; David, lui, me réserve un accueil froid. Dans le weekend, tout se réchauffe, et nous rirons même un peu. En attendant, il ne daigne pas me serrer la main.

Dans la soirée nous rejoignent Geneviève, la soeur de Francis, son conjoint, David (qu'on appelle communément Perrot, pour le différencier du David Ier) et leur fils de deux ans et demi, Jacob. Petit bout de chou adorable, mais qui est distant envers les étrangers. Cela se confirme avec moi, jusqu'à ce que je l'aide à faire des gateaux en pate à modeler, où tout le monde est surpris de voir le bambin jouer si vite avec un inconnu.

Au centre de cette famille, le téléphone et la télévision. Rythmant leur vie, complètement. Quand quelqu'un appelle, c'est à celui qui saura, le premier, à qui correspond le numéro. La télévision, quant à elle, est dirigée par Roger, maître de la télécommande qu'il agite comme un sceptre.

J'ai parlé des personnages, voyons la scène. Le diner du samedi midi, d'abord: Thérèse, seule dans sa cuisine, prépare tout. Je lui propose mon aide, et très vite, je comprends que je n'ai rien à faire à ses côtes. Je vais m'asseoir, craintif et timide, auprès de Francis, qui jase avec son frère et Stéphanie. Une fois que le plat de lasagnes est servi, s'empressent de se servir Roger et David, qui avalent leur assiette rapidement. J'attends que Thérèse soit assise pour manger, mais Francis me fait comprendre qu'ici, on s'en fout! Je commence à manger, mais déjà David se ressert copieusement: pour lui, "manger, c'est du temps perdu". Quant à Roger, il a déjà quitté la table pour retrouver son fauteuil-trône, entamant un nouveau paquet de cigarettes. Poli et sincère, je complimente Thérèse pour son plat. Personne ne fait écho, et Thérèse semble même gênée. Le dessert arrive: des joe louis, sorte de pate à gateau marinant dans du sirop d'érable. Gras et étouffe-chrétien, mais excellent!

Francis m'emmène une heure en découverte de Saint-George. Rien de touristique, en vérité. Mais je comprends, très rapidement, qu'il tient à me montrer sa ville, à lui. Son cégep, ses deux écoles secondaires, l'église de Saint-George, dans laquelle il a joué pour la première fois au théâtre. Tel endroit, il a eu un accident, tel magasin, il a travaillé ici. Je sais à quel point il tient à me dire tout cela. Je regarde simplement ses yeux briller, comme un enfant fier de montrer sa petite vie au premier curieux venu.

Le reste de l'après-midi, ce sont jeux vidéos, accueil de Geneviève et ses deux hommes, balade (petite), avec Jacob, Francis et David. Mais déjà, à 17h30, nous nous mettons à table. Pour la réunion de la famille, Thérèse a préparé une fondue chinoise, équivalent d'une fondue bourguignonne, mais ce sont des lamelles de viande cette fois, ainsi qu'une sauce brunâtre qui sert d'huile bouillante. De nombreux plats accompagnent: pommes de terre, haricots, riz, légumes, sauce barbecue faite par Thérèse. Nous avons du vin, que seuls Francis et moi buvons (j'ai donné le goût du vin à mon ami québécois, qui s'amuse même à le sentir!). Là encore, Roger quitte rapidement la table, mais ce n'est que pour mieux revenir lorsque Thérèse, que j'aide exceptionnellement, apporte les parts de gateau au fromage qu'elle a fait elle-même. Succulent. Là encore, je remercie et félicite pour le repas. Toujours personne pour rebondir. Alors je me tais.

La soirée se termine par un tableau familial touchant. Tout d'abord, il y a Roger, toujours sur son fauteuil, regardant tout un chacun, et commentant la télé qui joue sans cesse. Thérèse, elle, s'occupe pendant trois heures sans relâche de son petit-fils, à même le sol. Jacob veut faire un puzzle, elle se dévoue corps et âme à lui, allant même à se coucher par terre avec lui pendant bien une demie-heure. A plusieurs reprises, je ne peux m'empêcher de glisser à l'oreille de mon ami "regarde, ils sont cute!". Nous, de notre côté, les enfants, les jeunes, nous jouons aux jeux de société. Tout se passe dans une quête du divertissement, pour passer le temps, trop long. Les minutes s'écoulent, chacun se lasse. A la fin, je décide d'aller marcher dehors. Francis en profite pour me demander mes impressions. Il pleut encore, et les lumières de Saint-George se reflètent dans les nuages bas.

Le lendemain ne change pas de la veille. Tout est immuable. Roger n'a pas bougé du fauteuil, et Thérèse se presse à faire des crèpes, servies avec des assiettes de fruits préparées comme au restaurant. J'ai abandonné l'idée de l'aider et de la complimenter, ayant bien compris qu'il ne pouvait en ressortir qu'un malaise. Geneviève et Jacob sont revenus pour partager ce déjeuner. Les mêmes gestes de la veille, les mêmes échanges. Il y a une tranquillité des mots, et l'heure se fige, dans cette grande pièce où chacun accomplit, mécaniquement, sa besogne du dimanche. Avant midi, je décide d'aller prendre une autre marche. L'air, dans la maison, devient rapidement irrespirable, les deux parents fumant comme jamais. Je me hasarde sur la rive de la Chaudière, avec mon parapluie, et contemple, de la passerelle, la Beauce nuageuse et brumeuse, verte sans éclat, un déjà-vu qui s'estompe dans la pluie et le jour qui décroît.

Nous repartons à Québec dans l'après-midi. Au revoir à chacun, à ses visages entr'aperçus le temps d'un weekend. Je serre la main de Thérèse, et je vois dans ses yeux une lueur de satisfaction. Roger me dit quelque chose, que je ne comprends toujours pas... En voiture! Avant de rejoindre l'autoroute, Francis m'amène au Pont Perreault, pont couvert qui traverse la Chaudière.


Sur l'autoroute, Francis s'arrête, sans crier gare, sur le bas côte. Il me regarde, et me dit: "allez, tu conduis!". Surpris, mais aucunement gêné, je m'accapare la première place, et roule sur une bonne demie-heure, au volant de la manuelle de mon ami. Québec, au loin, surgit d'un bois de sapins. La Beauce est derrière nous, le coffre de Francis rempli de petits plats cuisinés par sa mère. Tout en gardant le contrôle du véhicule, je remercie Francis. Je sais combien c'était important pour lui, de montrer une part de sa vie à un ami.

Je me promets de revenir en Beauce. Secrètement. Ai-je aimé? Non. Ai-je détesté? Non. Mais quelque chose, de ce temps immuable, de ce pont figé sur un cours d'eau qui se troublerait au premier orage venu, de cette famille unie et simple, me fait dire que ce n'est qu'un au revoir...


dimanche 8 mai 2011

Je plaindrais l’homme qui n’aurait jamais changé.

Depuis hier, je suis à Sherbrooke. Je ne donne ma communication que jeudi matin. Mais demain, déjà, commence le colloque sur Anne Hébert. L'occasion pour moi d'en apprendre davantage sur ses oeuvres, que je connais finalement peu. Ce sera aussi l'occasion de rencontrer quelques potentielles directrices de thèse, pour dans un an. Chantal S. me l'a conseillé: il faut se faire connaitre de visu. A ce propos, Chantal m'encourage vivement à faire un doctorat; ses conseils, mercredi, furent essentiels. Et je sens que le chemin qui m'amènerait à la thèse ne sera pas si compliqué que prévu. Restera à trouver les financements: un peu plus complexe, mais je ne désespère pas...

Il faut aussi préparer la communication, ce que je fais depuis deux heures, dans une brûlerie sympathique du centre-ville de Sherbrooke.

Je lisais une biographie sur Lammenais, personnage essentiel du XIXème siècle religieux en France, quand je reçois un courriel de Matthieu. J'en suis à cette phrase: "je plaindrais l'homme qui n'aurait jamais changé", et d'un seul coup, ce garçon, que je n'ai pas vu depuis un an, me donne de ses nouvelles. Lui et moi, nous sommes pareils: en perpétuel mouvement, garçons hyperactifs et avides de nouveautés, cherchant mille et unes raisons à nos déplacements, qu'ils soient physiques ou autres. Nos avenirs, bien qu'ils se précisent de jour en jour, ne sont que des flous artistiques, promesses d'horizons qu'on n'atteindra peut-être jamais. Mais qu'est-ce qu'une réussite ou une défaite? Tout se trouve dans les chemins qu'on emprunte.

Je ne sais pas si, entre tous nos vols, nos voyages et nos aspirations, nous serons amenés à nous revoir. Mais je garde à l'encontre de Matthieu une tendresse infinie, celle de nos interminables conversations, lors de promenades qui duraient toute la nuit. Ce drôle d'oiseau de nuit, attaché à ses valises jamais défaites. C'est un peu moi, maintenant.

lundi 2 mai 2011

Sous l'œil de Dieu, près du fleuve géant, le Canadien grandit en espérant. Il est né d'une race fière, Béni fut son berceau.


Aujourd'hui est une date importante, pour tous les Canadiens: c'est le jour d'aller voter, pour élire le premier ministre fédéral.

Hier, Sophie, Marc-O et Jean-Michel m'ont expliqué comment ça se passait. Ici, tout se fait à petite échelle. Les citoyens doivent voter pour le député de leur canton ou quartier de ville, celui qui les représentera à Ottawa dans la chambre des députés. C'est au parti qui obtiendra le plus de députés, qui deviendra le parti officiel. Et le chef du premier parti deviendra premier ministre.

Alors, plusieurs options, pour les Canadiens. La première, c'est refaire élire le premier ministre sortant, Stephen Harper, du Parti Conservateur. Donc couper les bourses d'études, arrêter les financements dans la culture, et continuer d'évoluer dans le sillage des Etats-Unis, en étant ridicule aux yeux des autres pays. C'est probablement ce qui est en train de se passer. Mais depuis quelques semaines, la vague orange du Nouveau Parti Démocrate, parti de centre-gauche, dirigé par Jack Layton, s'étend sur toutes les provinces. Tant et si bien que le NPD pourrait bien devenir le premier parti de l'opposition officielle.

Au Québec, situation particulière (encore!). Les séparatistes sont représentés par le Bloc Québecois, parti absolument pas représenté dans les autres provinces, mais qui, si tous les Québécois votaient pour lui, pourrait devenir le deuxième parti de l'opposition. Bien entendu, aucun premier ministre ne sera issu du Bloc Québécois. Mais il y a ici un enjeu de taille, et le parti vise davantage la chambre des députés que le 24, Promenade Sussex (résidence du premier ministre canadien) : permettre au plus grand nombres de Québécois séparatistes d'agir sur les décisions législatives. Il est à préciser que le Bloc est le seul parti provincial à être représenté à Ottawa...

Bon, c'est un peu simplifié, et peut-être un peu faux sur certains points. En tout cas, c'est une élection qui passionne depuis déjà un mois, qui interroge sur la place du Canada dans le monde et les directions à prendre, dans ce temps d'après-crise. Pour moi, ça ne change pas grand chose: il faut travailler, et le mémoire ne sera pas fait avec des bulletins de vote, aussi beaux soient-ils.

dimanche 1 mai 2011

Je danse, j'ai le coeur à l'envers comme un enfant.

Je passe mes journées à écouter Yelle, que je vois lundi soir au Cercle en concert. Ca sent le bonbon, l'acidulé,c'est sucré comme une année à l'étranger. Bon, la comparaison est simpliste, mais c'est le sentiment de ces jours ensoleillés.

Je retrouve le plaisir de m'allonger dans l'herbe, par un samedi chaud et joyeux, où les enfants jouent au ballon et les ados à la guitare. Sur la place de l'Université du Québec, dans la Basse-ville, je m'accorde une pause méritée. Nous travaillons depuis deux heures avec Francis: lui ses maths, moi mon rapport de recherche. Ca nous motive, de travailler ensemble (bien que nous en profitions pour parler aussi, beaucoup). Et nous voilà, à deux pas de son appartement, où mon ordinateur et mes bouquins attendent patiemment; un thé Tazo à la main, je regarde les beaux jours revenus et les sourires prétentieux des skateurs. Francis lit à côté de moi, étendu de tout son plein sur le gazon vert. Ce soir, nous allons voir Les Belles Soeurs, la pièce de Michel Tremblay, où une connaissance joue.

C'est un temps de l'insouciance qui suit la fin de session. Et bien que les fleurs ne pendent pas encore aux arbres, on se sent soulagé, de l'arrivée de l'été, pas si loin que ça. J'ai beau avoir un rapport à rendre, une conférence à rendre, je ne suis motivé que pour voir mes amis. Demain, je retrouve Sophie, Marc-Olivier et Jean-Michel. Dans la semaine, Priscilla, Eléonore. J'ai soif de cocktails, de rires à prendre à tout-va; j'ai le besoin d'absorber ces temps de répit, de derniers divertissements. Au loin, et je ne peux m'empêcher d'y penser, s'annonce le retour. Ce mot, je le ressens comme une déchirure. Une partie de moi appartient désormais à cette ville, à cette colline qui aura vu plus d'une glissade sur la neige de ma part.

Regarder en France me fait prendre conscience du bouleversement qui s'est fait, depuis le départ. Tout m'apparait comme futile, sans essence propre. J'ai envie de revoir ceux que j'aime, mais seulement quelques jours; parce que j'ai peur de n'avoir rien à leur dire, rien à retrouver avec eux. Je me suis éloigné, j'ai voyagé, j'ai aimé de nouvelles choses, de nouvelles personnes. J'ai appris à comprendre une langue qui, encore, me surprend; et maintenant, je ne rêve que de parler ces mots, que d'avoir cet accent qui me manquera tant à Lyon. Il y a chez les Québécois cette alternance, entre une finesse toute choisie et un manque de tact véritable, qui n'a rien à voir avec les demis mots français, auxquels je contribue malgré tout dans ce blog.

Alors, oui, je danse, je bois, je m'amuse, et je ris comme toujours. J'embrasse les joues qui se tendent, et je serre les mains, compulsivement, par peur qu'elles ne m'échappent.

Au fait, Blogger a des problèmes pour les photos. Donc, je ne mettrai que peu de photos de mes périples et aventures (comme on peut le voir pour New York). Pardon, mais c'est sa faute à Internet.

vendredi 29 avril 2011

Concrete jungle where dreams are made of, there's nothing you can't do, now you're in New York !

C'est l'histoire d'un retour annoncé, depuis le départ. Ma première visite à Big Apple fut amazing: il fallait confirmer l'essai. Revoir les lumières qui vous étourdissent, se prendre au jeu de la vie rapide, bruyante, de l'excentricité américaine. On aura beau dire, New York est un rêve, tout en hauteur et en couleur, aux odeurs de hot-dog et aux vapeurs de bouches d'aération; écouter les millions de musiques et de sons uniquesqui se jouent sur Manhattan, qui n'est pourtant qu'une petite île en soi. Retour dans la City pendant le weekend de Pâques. Il était prévu que je sois seul, mais Francis, alleché par l'idée de retrouver un peu de ces sensations citadines extrêmes, se joint à moi. Nous joignons Montréal avec le char de mon ami, puis un bus, qui attendra pendant trois heures à la douane; c'est qu'ils sont nombreux, à vouloir rejoindre Times Square pour le Eastern Weekend(il parait même que Sébastien était dans un de ces bus, je ne l'ai pas vu).

Arrivée vendredi dans la matinée. Nous décidons de déposer toutes nos affaires (un gros sac chacun) à notre auberge de jeunesse, le Sun Hotel. Situé en plein coeur de Chinatown, nous prenons la ligne orange pour rallier Grand St. Les odeurs et les cris, à la sortie du métro. Le quartier chinois, en véritable expansion, empiète sur ce qui fut autrefois Little Italy, et les marchés pekinois et cantonais, aux mille et uns animaux étranges, débordent sur la rue. Entendrait-on de l'anglais par ici? Seulement quelques marchands à la sauvette, tentant de vendre des sacs contrefaits avec leur accent asiatique, martelant les chiffres des prix qui, étrangement, sont bas. Nous nous dirigeons rapidement à l'hotel, pour prendre chacun possession d'une chambre minuscule. Les couloirs sentent la pisse et d'autres choses non-identifiables, et un bref mais appuyé souvenir de l'Inde me revient en mémoire. Le temps de se changer, après une nuit dans un bus froid sans pouvoir dormir, et nous sommes en quête d'un petit restaurant pas trop cher, dans la seule rue qui constitue Little Italy dorénavant. Des pâtes, évidemment, et quelques petites douceurs, avant de rejoindre un autre métro. Qu'on se le (re)dise, New York se fait peu à pieds; et pour faire Chinatown-81th St., il faut bien compter vingt minutes dans le train. Arrivés devant le Museum d'Histoire Naturelle, que Francis voulait absolument visiter, nous nous quittons. Je préfère, pour ma part, traverser Central Park et m'aventurer dans le Metropolitan Museum of Art, sorte de Louvre américain. Le parc citadin rayonne déjà de fleurs printanières, et les magnolias saluent de leurs branches la statue d'Andersen les enfants qui jouent près des bassins.

Le "MET", comme les New-Yorkais l'appellent usuellement, recèle une grande collection d'art. Sur deux étages et le rez-de-chaussée se concentrent autant de vestiges antiques que d'oeuvres du XXème siècle. Il s'agit donc de cibler très précisément, d'autant que ce vendredi-là, il y a foule dans le musée. Etant en plus fatigué de ma nuit blanche, je décide de ne pas trop trainer, et prends la décision d'aller explorer le fond égyptien. Sarcophages, évidemment, statues de divinités à tête d'animal, et surtout, reconstitution, avec les pierres d'origines, de plusieurs mausolées et tombeaux. Je m'extasie, encore novice en la matière, en regardant les hiéroglyphes. Contrairement aux autres collections, je n'ai jamais vu, pour l'instant, de véritables inscriptions égyptiennes, hormis dans les musées. Je note dans un coin de ma tête "voyage en Egypte à faire", et continue mon parcours, à travers les dizaines d'Européens et Asiatiques venus visiter. Certains fonds sont populaires: peinture européenne, American Wings, art déco. D'autres, comme les arts océaniques et l'art médiéval, sont ignorés, et je prends un malin plaisir à consoler les multiples Christs et tabernacles ignorés. Au détour d'un couloir, je découvre la reconstitution d'une cour intérieure florentine du XVème siècle, silencieuse et solitaire. Un mur plus loin, la grande salle des arts déco, incroyablement grande et lumineuse. A l'étage, arts asiatiques, mais surtout des Rembrandt, Vermeer, Velasquez et autres Rubens, autour desquels se bousculent les Japonais et les flashs de leurs Kodak ("no flash, please!" se plaint la pauvre surveillante de collection). Après deux heures de déambulation, je finis devant un très beau Ganesha du sud de l'Inde. Exténué, je prends ma retraite, et pars retrouver Francis, à l'angle de la 61th St. et de Madison Avenue.


C'est un samedi pluvieux qui nous réveille. La veille, nous avions un sacré programme de marche, que nous ne respecterons même pas, tant la pluie s'acharne sur Manhattan. Pour commencer la journée, j'entraine Francis vers Union Square, chez Max Brenner. Je veux déguster à nouveau ce suckao, sorte d'expresso de chocolat très fort en saveur. Nous dégustons nos bagels et nos breuvages chocolatés, le sourire aux lèvres et un peu de moustache sur le nez. Direction ensuite le sud de l'île, au TKTS: nous voulons acheter, à moitié prix, un billet pour The Lion King, sur Broadway. Manque de chance, plus de place. Dépités, nous trouvons refuge dans un des 750 Starbuck's de Manhattan et révisons nos plans: finalement, après consultation du Lonely Planet et le réconfort d'un grand café, nous nous arrêtons sur l'idée d'un cabaret réputé, vers Times Square. Réservation faite, via le Iphone de Francis. Nous remontons ensuite sur Wall Street, pour revenir devant l'Hotel de Ville. Une fois là-bas, nous prenons le métro, la ligne 7, the International Train. On l'appelle ainsi parce qu'elle traverse le Queens, borought de New York situé de l'autre côté de l'East River, parsemé de nombreux petits quartiers cosmopolites. Le métro aérien survole les différents quartiers, et nous admirons les magnifiques graffitis d'un immeuble d'art contemporain urbain.

Nous tombons sur Jackson Heights, quartier indien. Nous arpentons une partie de la 74th St., passons devant les magasins de saris et kurtas; je raconte quelques souvenirs marquants à mon Québécois, qui manifeste depuis quelques temps le souhait d'aller visiter l'Inde. Bonheur suprême: nous tombons sur un petit restaurant qui fait des samossas pour 2$. Francis goûte, et je surprends dans ses yeux une surprise gustative. Quant à moi, je suis en extase à chaque bouchée. Nous remontons, en dessous de la ligne de métro qui couvre nos discussions à maintes reprises. Le Queens est rempli de mini quartier ethniques, asiatiques, sud américains, océaniques, et même un petit block de maisons irlandaises. Population hétéroclite, où nous croisons autant de clowns que de Maghrébins souriants. Après deux petits kilomètres de marche, nous reprenons le métro, pour retourner à notre auberge de jeunesse.

Notre samedi soir devait être le moment du musical. Faute de place et d'argent, nous avons réservé pour une petite salle de spectacle, où se produisent Gashole, duo reprenant les plus grands standards des années 70'-80'-90'. Avant, nous mangeons sur la 7th Avenue, dans un piteux restaurant mexicain. Tout en commandant nos galettes, je fixe le cafard qui arpente le sol, dans le sous-sol glauque et où nous sommes les seuls Blancs. Malgré le côté insalubre, le repas est excellent, et très intéressant niveau qualité-prix. Mais nous ne nous attardons pas; Gashole nous attend, dans le cabaret Don't Tell Mama. Une heure et quart de show, piano et voix magnifiques, le tout avec un cosmopolitan à la main. Francis balance la tête de droite à gauche, décoche un sourire enjoué aux alentours, que j'arrive à capter et à retenir. Derrière le duo, une demie-lune en carton. Nous planons, musicalement parlant.

The end of our precious and weak world begins now, in the City.
I'm scared, I don't wanna go home.
Tell me, blue eyes: will you miss me, in the darkness of your memory?
I love you! Farewell, you're already gone.
I wanna fly away from your answer.
Don't say anything.
My world is collapsing.
In your silent lips
In my beloved kiss.

Dimanche de Pâques. Jour de la resurrection, et à ce titre, nous nous levons tôt, afin d'assister à une messe gospel dans Harlem. Nous arrivons une heure et demie avant le service de onze heures, et déjà, il y a du monde. Beaucoup de Français, avec qui nous faisons connaissance, autour d'un bagel au cream cheese et d'un café que j'ai préalablement cherché (après avoir demandé mon chemin à un Noir-Américain me disant "have a good day, bro"!). Dans la Canaan Baptist Church, les étrangers sont installés sur le balcon, qui domine les choeurs et la chaire du révérend. Ce sont deux heures de représentations, qui nous attendent; des chants, des sermons sur fond d'orgue électrique, des annonces de tout ordre. Nous nous levons, tapons des mains, chantons; étrange sensation, d'être d'un seul coup croyant unanimement, du bout des doigts jusqu'à mes lèvres qui fredonnent. Plusieurs fois, je souris béatement, les larmes aux yeux. C'est tout simplement beau, fort. A côté de moi, une mère Noire-Américaine me commente les faits et gestes des intervenants, m'explique ce qu'il faut faire. Communion parfaite, que nous quittons après plusieurs chants et messages d'amour.

L'après-midi est tranquille. La pluie d'hier a fait place à un soleil qui chauffe, et je connais enfin un 20 degrés, chose que je n'avais pas connu depuis Cuba. Dans ma chemise noire, accompagné de Francis, je me dirige vers Juniors's, sur Times Square. J'ai une folle envie de cheesecake, et comme la dernière fois, c'est excellent. Nos plans? Francis veut flâner et s'endormir dans Central Park. Pour ma part, je décide de le quitter et d'aller sur Brooklyn Heights Promenade, charmant chemin pour observer, de l'autre côté de l'East River, les grattes-ciel de Manhattan. Tout autour, des hélicoptères, qui scruttent les dangers éventuels. On dirait une ruche énorme, et des abeilles tournant autour, ne laissant qu'un son en différé, mêlé aux voitures qui passent pas loin. Je m'assois une bonne heure face à la ville ultra-bruyante, de son côté de la rivière; le soleil fait place à des nuages, des pluies sans cesse interrompues par une éclaircie. En revenant sur le chemin du métro, dans les rues ombragées et chics de Brooklyn, un instant, le soleil et la pluie se fondent dans une lumière éblouissante, rejetant sur les fleurs des arbres des reflets clairs et colorés

Je retrouve Francis sur Times Square à 18H30, le temps d'aller au Ruby Tuesday, restaurant hupé du quartier, sans être trop cher. Francis aime ce resto, où il mange la meilleure chose de sa vie, chaque fois qu'il vient à New York. Pour ma part, en bon Français, j'approuve la qualité du repas, sans toutefois le placer dans mon Top 5. Les Québécois... Un burger, un bar à salades, et une petite vue sur les lumières clignotantes de la 42 th et de Broadway. Derniers intants, dans une ville qui ne dort jamais. Détour par notre hotel de Chinatown, pour prendre les bagages, et nous voici à la gare d'autobus, qui ressemble à une jungle, avec cette chaleur humide. Bus, retour, et là encore, la suite, on la connait.

♪ Un jour, j'irai à New York avec toi...