C'est un peu le son du moment: les mots d'Emile Nelligan mis en musique par Monique Neyrac. Entre deux polonaises (Chopin n'est jamais vraiment loin), le piano et cette voix qui s'élève, et qui crie et qui hurle; peut-être pour combler le mutisme dans lequel je me suis enfermé. Je suis revenu de Montréal, à vrai dire, vidé. En plus de la fatigue, je n'avais pas le goût à grand chose, sauf peut-être à faire ma présentation sur Hervé Guibert. Présentation par ailleurs réussie: applaudissements à la fin de l'exposé. Mais au-delà de tout ça, c'est le vide en moi. Peut-être parce que je ne reconnais plus la ville que pourtant j'habite depuis un mois et demi: et je me mets à détester Québec. Sans aucune raison valable, si ce n'est que ce n'est pas Montréal.
C'est une période que j'intitule sobrement le "trauma post-Montréal". Je suis peut-être le premier à vivre ce trauma, auquel s'accumulent d'autres choses: le stress de l'université, le manque évident et dur à combler de tous ceux qui sont en France. Le manque, ça c'est une croix qu'on porte chaque jour, lorsqu'on décide de partir à l'étranger. Il y a, chaque jour, ce regard vers l'Est, et cette pensée vers les autres. Ceux qui sont restés. Moi je suis parti. Toujours aucune raison valable et à privilégier. Mais le fait est là: je suis parti. Et c'est dans ce trauma post-Montréal que ce départ au Québec trouve son aspect le plus inquiétant.
Alors quand même, on a de quoi s'occuper. Hier, j'étais à Sherbrooke (trois heures et demie en voiture de Québec) pour un colloque sur le support de la littérature, animé par une Française. Si ça, ce n'est pas un signe du hasard (ou destin, chacun y voit ce qu'il pense...) qui vient remuer le couteau dans la plaie! Excellente conférence néanmoins de Marie-Eve T., avec qui je n'échange malheureusement aucun mot. Avec le groupe d'étudiants québécois qui m'a emmené en voiture, nous faisons plus ample connaissance. Tout le trajet en voiture n'est que discussions littéraires et confrontations de nos expériences les plus diverses. Il y a eu, aussi, aujourd'hui, deux auditions pour des projets de théâtre. J'avais appris le texte demandé la veille, la foire aux auditions n'étant que Mardi soir. Alea jacta est! Ce soir, je tente de rentrer dans ma tête les deux pages de la merveilleuse déclaration d'amour de Manque de Sarah Kane. Dur exercice, mais très catharsique.
Le seul vrai réconfort de ces trois jours, je le trouve avec Chantal S., l'enseignante qui me suit officieusement dans l'élaboration de mon mémoire. Nous avions convenu un rendez-vous ce jour-même, afin de constater l'état de l'avancement de mon travail et de mes lectures. L'entretien dure une heure. Nous échangeons beaucoup sur le ressenti de nos lectures féminines, elle m'explique certains détails, et me félicite pour le sérieux dont je fais preuve. Là-dessus, elle embraye sur la fameuse question: "et sinon, comment ça se passe, votre vie à Québec?". Je déballe, sans aucune retenue. Je lui parle de ce weekend à Montréal, très intense, et des sentiments qui m'habitent depuis. Bref, je lui raconte ma vie. Mais Chantal S. est une femme qui sait écouter les étudiants: elle me rassure, c'est normal ce sentiment, ça va vous passer. Je vous comprends aussi. Il ne m'en fallait pas plus, je pense. Cette proximité nous lie pendant un quart d'heure, chacun y allant de son émotion passée ou présente. Je ressors de là déchargé d'un poids. Je ne vais absolument pas me plaindre. Je fais partie des privilégiés, et chaque jour je me dis: "tu es à l'Université Laval!". Ce sont juste des étapes nécessaires à la construction de cette nouvelle vie provisoire: des angoisses qui ne peuvent être étouffées.
C'est une période que j'intitule sobrement le "trauma post-Montréal". Je suis peut-être le premier à vivre ce trauma, auquel s'accumulent d'autres choses: le stress de l'université, le manque évident et dur à combler de tous ceux qui sont en France. Le manque, ça c'est une croix qu'on porte chaque jour, lorsqu'on décide de partir à l'étranger. Il y a, chaque jour, ce regard vers l'Est, et cette pensée vers les autres. Ceux qui sont restés. Moi je suis parti. Toujours aucune raison valable et à privilégier. Mais le fait est là: je suis parti. Et c'est dans ce trauma post-Montréal que ce départ au Québec trouve son aspect le plus inquiétant.
Alors quand même, on a de quoi s'occuper. Hier, j'étais à Sherbrooke (trois heures et demie en voiture de Québec) pour un colloque sur le support de la littérature, animé par une Française. Si ça, ce n'est pas un signe du hasard (ou destin, chacun y voit ce qu'il pense...) qui vient remuer le couteau dans la plaie! Excellente conférence néanmoins de Marie-Eve T., avec qui je n'échange malheureusement aucun mot. Avec le groupe d'étudiants québécois qui m'a emmené en voiture, nous faisons plus ample connaissance. Tout le trajet en voiture n'est que discussions littéraires et confrontations de nos expériences les plus diverses. Il y a eu, aussi, aujourd'hui, deux auditions pour des projets de théâtre. J'avais appris le texte demandé la veille, la foire aux auditions n'étant que Mardi soir. Alea jacta est! Ce soir, je tente de rentrer dans ma tête les deux pages de la merveilleuse déclaration d'amour de Manque de Sarah Kane. Dur exercice, mais très catharsique.
Le seul vrai réconfort de ces trois jours, je le trouve avec Chantal S., l'enseignante qui me suit officieusement dans l'élaboration de mon mémoire. Nous avions convenu un rendez-vous ce jour-même, afin de constater l'état de l'avancement de mon travail et de mes lectures. L'entretien dure une heure. Nous échangeons beaucoup sur le ressenti de nos lectures féminines, elle m'explique certains détails, et me félicite pour le sérieux dont je fais preuve. Là-dessus, elle embraye sur la fameuse question: "et sinon, comment ça se passe, votre vie à Québec?". Je déballe, sans aucune retenue. Je lui parle de ce weekend à Montréal, très intense, et des sentiments qui m'habitent depuis. Bref, je lui raconte ma vie. Mais Chantal S. est une femme qui sait écouter les étudiants: elle me rassure, c'est normal ce sentiment, ça va vous passer. Je vous comprends aussi. Il ne m'en fallait pas plus, je pense. Cette proximité nous lie pendant un quart d'heure, chacun y allant de son émotion passée ou présente. Je ressors de là déchargé d'un poids. Je ne vais absolument pas me plaindre. Je fais partie des privilégiés, et chaque jour je me dis: "tu es à l'Université Laval!". Ce sont juste des étapes nécessaires à la construction de cette nouvelle vie provisoire: des angoisses qui ne peuvent être étouffées.
Evidemment, ça ne passera pas ce soir, surtout si j'écris tout en écoutant une playlist douteuse qui m'en veut: embrayer Chopin avec Rose, c'est un complot qui veut me faire tomber! Ah, les beaux jours!
Mon lapin,
RépondreSupprimerJ'enchaîne aussi les insomnies en ce moment...j'ai passé ma nuit sur mon balcon, mais c'était une nuit sans étoile Delhi...j'essayais successivement de trouver la France dans mon paysage nocturne, et puis, évidemment sans succès, je riais à la pensée que je pleurerai sans fin l'Inde sur mon balcon français, d'où la vue est encore plus moche... l'Inde manque de tendresse, et te faire de gros câlins me manque ! (ici, pas de bras réconfortant de gais, seulement des hommes qui essayent de t'amener dans leur chambre et qui ferment le verrou dès que tu y mets un pied :S) ; l'Inde manque d'abandon, Tu me manques :-) (mais l'Inde me manque terriblement à la seule pensée de la laisser un jour, le paradoxe des expatriés...)