Me voici rentré. Dans le grand village qu’est Québec. Après New York, ma capitale québécoise, et même Montréal, me semblent si petits. Pas inintéressants, au contraire. Mais il y a dans ces petites villes un charme différent que celui de Big Apple, moins exubérant, plus tranquille et posé. Je suis énormément fatigué. Mes jambes, et surtout mon pied gauche, me font un mal de chien. Le temps était si beau, que j’ai préféré utilisé les trottoirs des grandes avenues au métro, tellement compliqué soit dit en passant. J’y ai laissé mes Converses, qui n’auront pas tenu le coup. J’ai les yeux encore plein de lumières, de mouvements, de couleurs. Tour à tour, j’étais Alex Beaupain sur le Pont de Brooklyn, Carrie Bradshaw arpentant une rue de Greenwich Village, Liza et Robert chantant en plein Manhattan, Maria qui s’émerveille de vivre en Amérique… J’ai des personnages qui m’entourent, qui m’entrainent, et j’ai l’impression d’être moi-même un héros de film, découvrant la Grande Ville, la vraie ville, celle qui nous fait rêver, le centre d’un monde à soi.
Visite de la ville parcellaire, je me promène dans les quartiers, à l'aveugle. Harlem. Cette cathédrale qui m'impressionne. Le troisième plus grand lieu de culte catholique se trouve à Harlem. La cathédrale est à l'image de la ville: démesurée. Sobre, peu décorée, juste de quoi impressionner le croyant ou le visiteur. Recueillement impie auquel je me livre, plus par admiration pour le lieu que par dévotion à Dieu. Puis je quitte l'édifice. Encore sous le choc, j'avance dans MorningSide, puis arrivée sur Malcom X Avenue. Déambuler parmi la population, quasiment afro-américaine. Je suis souvent le seul Blanc, et j'ai comme l'impression qu'on m'observe. On est surpris de voir un Européen se balader seul, appareil photo à la main. Parfois, très gentiment, on me demande si je me suis perdu. Et toujours le sourire. Dans les rues, ça sent le poisson, le poulet frit, les épices. A côté d'une église, j'entends un groupe de gospel, à l'intérieur, qui répète. Je ne peux pas entrer, et continue mon chemin, prenant la première à gauche, puis à droite, me perdant volontiers dans ce quartier ensoleillé qui sent le Sud à plein nez. A l'heure du déjeuner, je m'arrête devant Sylvia's, un restaurant connu pour sa cuisine afro-américaine. Boulettes en sauce et limonade sur la terrasse, profitant du soleil et de la chaleur de cette journée. On a tous un souvenir en commun: que faisait-on, le 11 septembre 2001? C'était il y a neuf ans. Je me souviens qu'il faisait beau, à Trévoux, ce jour-là. Il était 17h, dans le car qui me ramenait du collège. J'étais en 5ème. Et j'entendais, sur Fun Radio, Arthur commenter quelque chose à propos de tours jumelles qui s'effondraient. Une fois rentrés à la maison, Charlotte, Chantal et moi allumions la télévision, qui passait en boucle les images. Choqué, comme tout le monde. C'est drôle, c'est la première image que j'ai eu de New York dans ma vie. Avant, la Statue de la Liberté n'était qu'un mythe, dont on ne sait que peu de choses. En ce jour de septembre, pourtant, j'apprenais ce qu'était réellement New York, par le biais le plus morbide. Je repense à tout ça, tout en marchant à côté de Ground Zero. On ne voit que des grues, le site est protégé par des barrières. C'est ici que tout a commencé, notre monde d'aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de me répeter cette phrase. Plus loin, Wall Street. La bourse de New York, le centre de toute affaire, professionnelle ou personnelle. Le point névralgique du libéralisme occidental.
Je m'étais toujours dit ça: quand je serai à New York, j'irais voir une comédie musicale sur Broadway. Rêve exaucé. Pour le coup, je n'ai pas lésiné sur les moyens. Je voulais voir une comédie que j'aimais. Il y avait le choix! Mamma mia! me tentait, évidemment, ainsi que Chicago, mais la peur d'être déçu par rapport aux films me rattrapa. Wicked. Evidemment, je suis fan. J'aurais surement pris une place, si je n'avais pas vu ce drôle de masque sur Times Square. J'ai bien compris de quoi il s'agissait, ça ne peut être que ça! Je m'assure de cette surprise, vais sur Internet. C'est un des spectacles présents sur Broadway depuis très longtemps. The Phantom of the Opera. Bien sur, je connais les films, dont le dernier, qui reprend la comédie musicale. Hormis quelques morceaux sympas et un début épatant, pas un chef-d'oeuvre. Mais les chansons sont si belles. Je n'hésite plus. Hop! Réservation sur la toile, pour pas moins de 75 $. C'est un cadeau que je m'offre. Et je ne suis pas déçu. 2 heures 30 de show epoustouflant, à commencer par cette introduction à l'orgue. Je suis si excité que quand le chandelier s'élève dans les airs, des frissons parcourent mes bras. Plusieurs fois, je souris, en me disant "j'y suis". The Music of the Night me fait frémir, et l'antre du Fantôme est particulièrement angoissant. Cette comédie musicale a vraiment tout pour me plaire: le gothique, l'excentricité, et la folie d'un Fantôme magnifique. Je connais les chansons par coeur, mais elles résonnent en moi d'une autre façon. Vient The Point of no Return, ma préférée. Ca vibre de désir, ça bouillonne en moi, autant que dans les coeurs des interprètes qui se donnent corps et âme, à l'image du texte de la chanson. Et la fin. It's over now of the music of the night. Et je pleure. A chaudes larmes. Parce que c'est foutrement beau, et puis c'est tout. Je ressors du Majestic Theatre, tout ému. Il fait une chaleur étouffante. De quoi sécher à moitié mes larmes.
J'aurais tant de choses à raconter encore. Ma visite au MoMa, mes balades incessantes dans Greenwich Village et Chelsea, si agréables; mes allers et venues, le long de la 8ème, de la 6ème, ou sur le front de mer, face à la Statue, au loin; mes petits arrêts dans des Starbucks, ce que j'écrit durant ce voyage, ou alors parler du cheesecake excellent mangé sur Times Square, et des M&M's qui m'ont donné un mal de ventre affreux ("un jour, cet enfant va avoir des crises de foie", disent mes grands-parents). Des centaines d'instants, retranscrits dans ce même carnet qu'à Montréal. Mais, égoïste, je garde tout cela. Je ne laisse ici que les moments les plus parlants. Certaines choses ne peuvent pas s'exprimer aussi simplement. Et puis, il faudra garder deux trois choses à raconter, une fois rentré en France.
Je reviendrai à New York. Je le sais maintenant. Quelques jours, encore, histoire de revivre cette folie de la ville gigantesque. Au final, je ne suis pas très loin, et je crois voir encore au loin l'Empire State. Je termine mon séjour sur Times Square. La nuit, rien à voir. La cure de vitamines se transforme en choc électrique. Les lumières flashent autant que les appareils photos des Japonais à côté de moi, mais rien n'enlève la magie du lieu, du moment. Il fait encore doux, et dans quelques heures, je serai rentré à Montréal, dans le froid de l'hiver qui s'annonce. Alors, chemise blanche et foulard rouge autour du cou, je profite de la vue, fatigué, courbaturé, sale, mais heureux.
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